Un avocat défendant ces victimes dit :

« Si le prêtre, acteur d’agissements répréhensibles est assis sur le banc de gauche et si l’enfant est assis sur le banc de droite, on sait sur quel banc le Christ va s’asseoir, sur le banc de droite avec l’enfant. Les choses ne sont pas si simples. »

Pourquoi aller s’asseoir auprès d’une personne détenue, même pas sur un banc mais sur un coin de lit, au fond d’une cellule où la lumière pénètre à peine par un beau jour de printemps, alors que deux autres regardent la télévision, et accepter de boire un ricoré à moitié chaud dans une tasse à moitié propre ? Les premiers chrétiens ne se sont pas posé la question. Ils sont non seulement aller rendre visite, mais apporter des vivres, des vêtements à leur père, leur frère, leur sœur incarcérés en raison de leur foi, pour avoir suivi leur maître. Puis, ils ont pris l’habitude de rendre visite à toutes les personnes détenues. Ainsi, l’aumônerie est née dans la tradition chrétienne. Tous les cultes ne connaissent pas cette tradition, comme le culte musulman par exemple mais qui maintenant l’a adoptée.

La préoccupation des personnes détenues est au cœur de toute la Bible et du message du Christ. Dieu ne rompt pas le dialogue avec Caïn, même après le passage à l’acte, et il met un signe distinctif pour qu’il ne soit pas tué. Jésus accueille le larron sur la croix à ses côtés alors qu’il devait être un meurtrier – Luc 23. 39-43 -. Il dit :

« J’étais en prison et vous êtes venus me voir » Mat. 25. 36 –

L’apôtre Paul invite les chrétiens à visiter les prisonniers.

La présence des aumôniers est ancrée depuis toujours dans l’institution pénitentiaire. Pourquoi subsiste-t-elle dans une société sécularisée, qui plus est, au sein d’un service public aussi fermé que l’administration pénitentiaire ? L’aumônier assure la mise en oeuvre d’une liberté fondamentale, la liberté d’exercice du culte, et permet ainsi à des personnes qui en sont privées, d’y avoir accès. Tout en posant le principe de la séparation des Eglises et de l’Etat, la loi du 9 décembre 1905, dans son article 2 alinéa 2, consacre le service de l’aumônerie des prisons et, par exception, admet même que ses dépenses pourront être prises en charge par l’Etat.

Au chapitre de l’exercice des droits et obligations des personnes détenues, le code pénitentiaire organise le cadre collectif et individuel de l’assistance spirituelle, qui garantit une autonomie certaine aux aumôniers. Ainsi, les personnes détenues peuvent, s’entretenir avec eux aussi souvent que nécessaire, hors la présence d’un surveillant, dans un local prévu ou leur cellule, même en cas de sanction.

Mais, ministre du culte et « collaborateur » au sein du service public, l’aumônier est au cœur des tensions actuelles de la relation Eglises/Etat. En prison, ces problématiques sont exacerbées par le passage relativement récent de trois cultes traditionnels bien structurés à sept, dont deux sont inquiétants aux yeux de l’administration pénitentiaire, les cultes des Témoins de Jéhovah et musulman.

Ainsi, la laïcité ouverte de 1905 devient une laïcité de contrôle, comme l’observe Monsieur Emmanuel Brillet,

« C’est la polysémie même de la notion de laïcité qui se trouve questionnée, selon que l’on insiste davantage sur les garanties apportées au libre exercice du culte ou sur la neutralité voire la mise à distance de la religion dans le champ institutionnel… »

Dans cette volonté de mise à distance du religieux, l’administration pénitentiaire se raidit et tente d’organiser elle-même le cadre d’intervention de l’aumônier. Au niveau du recrutement, depuis le décret du 3 mai 2017, un diplôme universitaire de formation civique et civile est exigé pour pouvoir percevoir une vacation. Dans le cadre de la lutte contre le prosélytisme, l’aumônier rencontre des difficultés croissantes pour entrer en relation avec les personnes détenues, notamment les arrivants. Dans ce contexte restrictif, une mission parlementaire ayant pour objet la professionnalisation des aumôniers, ne peut que susciter l’inquiétude. Ce renforcement de l’encadrement administratif risque de faire perdre toute crédibilité à l’aumônier auprès des personnes détenues qui le percevront comme un agent de l’Etat. C’est parce qu’il est indépendant qu’il suscite leur confiance. Avant 1905, un député protestant, Francis de Pressencé avait eu la sagesse de dire: « L’Etat s’arrête là où commence la conscience ». Laissons l’aumônier, dans l’ombre, librement construire cette église en prison, cet espace d’humanité, d’intimité, d’écoute purement gratuite, être un « passeur » de Jésus-Christ.

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Droit de réponse de la Fédération chrétienne des Témoins de Jéhovah de France :
L’article « Une église en prison, une église menacée ? » affirme que les Témoins de Jéhovah sont un culte « inquiétant aux yeux de l’administration pénitentiaire ». Ces propos sont sans fondement. En effet, depuis la décision du Conseil d’Etat du 16 octobre 2013, les aumôniers Témoins de Jéhovah peuvent, au même titre que les représentants des autres religions autorisées, rendre visite aux personnes détenues qui le souhaitent. Les Témoins de Jéhovah – « une religion connue » selon la Cour européenne des droits de l’homme – existent en France depuis plus de 120 ans. Les fidèles pratiquent leur culte paisiblement. Cela fait maintenant 8 ans que les aumôniers Témoins de Jéhovah se rendent dans les prisons. Les propose de l’article sont donc inexacts et injustifiés.