Parmi les versets difficiles du Nouveau Testament, se trouvent ceux qui concernent l’exaucement des prières : « Si vous aviez de la foi comme une graine de moutarde, vous diriez à ce mûrier : “Déracine-toi et plante-toi dans la mer“, et il vous obéirait » (Lc 17,6). On pourrait croire qu’il ne s’agit que d’une hyperbole, mais dans l’évangile de Marc, Jésus dit avec solennité : « Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l’avez reçu, et cela vous sera accordé » (Mc 11,24). Et dans l’évangile de Jean : « Amen, amen, je vous le dis, celui qui met sa foi en moi fera, lui aussi, les œuvres que, moi, je fais ; il en fera même de plus grandes encore… Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, pour que le Père soit glorifié dans le Fils. » (Jn 14,12-13).
D’un autre côté, qui n’a jamais fait l’expérience d’une prière juste qui n’a pas été exaucée. Face au mal, à la maladie, à l’injustice, à la violence, des hommes, des femmes, des enfants ont opposé leur prière… et elle n’a pas été exaucée. Le non-exaucement est une expérience universelle. Soit on est obligé de nier la réalité, soit on doit reconnaître que ces versets sont mensongers. Si on ne veut se résoudre à aucune de ces solutions que pouvons-nous dire ? Trois pistes.
Le temps de Dieu n’est pas celui de mes impatiences
Dans la seconde épître de Pierre, des hommes trouvaient que le Royaume de Dieu ne venait pas, contrairement aux promesses du Christ. L’auteur a répondu qu’on était dans le temps de la patience de Dieu, et il a ajouté : « Il est cependant un point que vous ne devez pas oublier, bien-aimés : c’est que pour le Seigneur un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour » (2 Pi 3.8).
Le chapitre de l’épître aux Hébreux consacré aux grands hommes de foi dit qu’ils ont en commun de ne pas avoir obtenu ce qui leur avait été promis (Hé 11.39). Il suffit de penser à Abraham qui a parti au nom d’une promesse : « Je te donnerai une terre et une descendance. » Il n’a eu qu’un fils de la promesse sur le tard et la seule terre qu’il a possédée est la grotte dans laquelle il a enterré sa femme. Qui aujourd’hui dirait que cette promesse n’a pas été accomplie ?
Aimer ce qui m’arrive
La deuxième piste n’est pas biblique, mais spirituelle. Elle m’a été inspirée par Nietzsche et son concept de l’éternel retour qui peut se résumer ainsi : « Mène ta vie en sorte que tu puisses souhaiter qu’elle se répète éternellement. » Le philosophe fait l’opposition entre l’homme du ressentiment qui se morfond sur son passé et le surhomme qui choisit son passé même s’il devait revenir éternellement. En termes chrétiens, je peux me dire que toutes mes prières sont exaucées et que ce qui m’arrive est exactement le chemin de ma vocation.
Si ma prière n’est pas exaucée comme je le veux, je peux m’appuyer sur le verset de l’épître de Jean qui dit : « L’assurance que nous avons auprès de lui, c’est que, si nous demandons quoi que ce soit selon sa volonté, il nous entend » (1 Jn 5.14). Prier, c’est faire l’expérience que : « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu. » (Rm 8.28)
La foi est devant moi
Quand je lis le verset qui dit que si j’avais la foi comme un grain de moutarde, ma prière permettrait de déplacer les arbres, je suis obligé de reconnaître que je n’ai pas la foi, ce qui est une excellente nouvelle : J’ai encore à découvrir, à apprendre, à grandir dans mon chemin avec le Christ. Si aujourd’hui je me sens infirme dans ma prière, je me réjouis de celui que je serai demain. Si les versets qui parlent d’exaucement ne sont pas ma réalité quotidienne, ils sont mon espérance qu’un jour ils seront vrais.
Face à la contradiction entre les promesses de l’évangile et la réalité de leur prière, beaucoup ont choisi la voie la plus facile : ils ont arrêté de prier. La voie la plus facile, sûrement… mais qui a dit que le plus facile était le plus vrai ?