Adam et Ève, lorsqu’ils avaient été chassés du jardin, étaient déjà partis à l’est. Là, Caïn part à l’est de l’est, loin de la présence de Dieu. Arrivé dans le pays de Nod, il construit une ville à laquelle il donne le nom de son fils Hénok.
Le livre de la Genèse décrit la généalogie d’hénok qui s’arrête sur le personnage de Lamek dont il est dit deux choses : Il prit deux femmes, et il dit à ses femmes : J’ai tué un homme pour une blessure, un enfant pour une meurtrissure. Caïn sera vengé sept fois, mais Lamek soixante-dix-sept fois[1]. La descendance d’Hénok est marquée par la polygamie et la violence.
L’histoire de Caïn et Abel rappelle une autre histoire de frères, de jalousie et de meurtre qu’on trouve dans la mythologie. Deux jumeaux veulent construire une ville, mais les frères s’affrontent, et l’un tombe sous les coups de l’autre. Ce dernier reste le seul maître, et il construit la ville qui portera son nom. Les deux frères s’appellent Remus et Romulus, la ville Rome, et l’histoire est rapportée par l’historien Tite-Live.
Ces deux récits s’inscrivent au fondement d’une civilisation. Dans les deux cas, deux frères consultent la divinité, entrent en concurrence et s’affrontent en un combat mortel dont le vainqueur construit une ville. Une différence pourtant distingue les deux récits, elle réside dans l’interprétation que la postérité a donnée à son mythe fondateur. Romulus est devenu le roi légendaire de Rome, et après sa mort il a été divinisé. Caïn, lui, a été interpellé par Dieu qui lui a posé la grande question de toute la Bible : « Où est ton frère ? » Romulus prend progressivement le statut de Dieu, alors que Caïn est considéré comme un vulgaire assassin.
Romulus est divinisé car il a vaincu, il a été le plus fort, il a construit une ville dont il a été le roi. Caïn a aussi été le plus fort, et il a construit une autre ville, et pourtant il n’est considéré que comme l’assassin de son frère. La réussite de son entreprise ne justifie pas la méthode utilisée. Si Rome aime les vainqueurs, la Bible préfère la justice. Elle prend souvent le parti des petits, des victimes contre leurs bourreaux. La fin ne justifie pas les moyens et l’éthique est plus importante que la réussite.
[1] Gn 4.19,23-24.