Dans ses confessions, saint Augustin raconte sa quête spirituelle : « Qui donc Dieu est-il ? J’ai interrogé la terre et la création tout entière ; elles m’ont dit : “Nous ne sommes pas celui que tu cherches“. Les abîmes de la mer et les êtres vivants, le cosmos et les astres, tous m’ont répondu : “Nous ne sommes pas le Dieu de ton désir, cherche plus haut, ailleurs“. Alors j’ai crié : “Mais au moins si vous n’êtes pas mon Dieu, dites-moi quelque chose de lui“. Une seule clameur a retenti : “C’est lui qui nous a faits“. Je les interrogeais du regard, la réponse était dans leur beauté. »
Dans son discours du Nobel, Soljenitsyne médite sur l’aphorisme de Dostoïevski déclarant que la beauté sauvera le monde. Il s’interroge sur la vérité de cette parole face à la réalité des camps : De quoi la beauté peut-elle sauver ? Du froid, de la peur, de la terreur, de la mort ? Sûrement pas, mais sur l’arbre des valeurs de Platon – le Bien, le Beau et le Vrai – la beauté seule résiste à la tyrannie. Lorsque la vérité est brisée par le mensonge et que la bonté est écrasée par la méchanceté, la beauté demeure, elle défie les systèmes totalitaires les plus inhumains comme les sociétés les plus matérialistes.
En écho à cette méditation, Victor Frankl rapporte dans son récit sur les camps nazis l’anecdote suivante vécue à Dachau : « Il arrivait, tel soir où nous étions couchés sur le sol en terre battue de la baraque, morts de fatigue après le travail de la journée, nos gamelles de soupe entre les mains, que, tout d’un coup, un camarade entre en courant pour nous supplier de sortir sur la Place de l’Appel, uniquement pour ne pas manquer, malgré notre épuisement et malgré le froid du dehors, un merveilleux coucher de soleil. » La contemplation était un acte de résistance, une preuve d’humanité.
Célébrer la beauté est une démarche spirituelle comme le dit le psalmiste : « Le ciel raconte la gloire de Dieu, la voûte céleste dit l’œuvre de ses mains. » (Ps 19.2)