Ces derniers jours, et j’ai été marqué par la déconstruction opérée par l’évangéliste Matthieu au regard des catégories religieuses.
Le premier chapitre est une généalogie qui inscrit Jésus dans l’histoire de son peuple. Comme toute généalogie, celle de l’évangile est plus théologique que scientifique, elle est patrilinéaire et égraine les noms de quarante hommes et quatre femmes. Si j’avais été à la place de Matthieu, appelé à honorer quatre femmes pour les introduire dans les ancêtre de Jésus, j’aurai probablement choisi Sara la matriarche, Débora la prophétesse, Yaël la combattante et Esther la reine qui a sauvé son peuple d’un génocide. Matthieu a choisi Tamar l’étrangère qui a été incestueuse et prostituée pour faire valoir son droit ; Rahab, la tenancière du bordel de Jéricho qui a été hospitalière envers les espions envoyés par Josué ; Ruth, la jeune étrangère qui s’est couchée au pied d’un riche cousin pour le séduire et ne pas mourir de faim ; et Bethsabée l’adultère qui s’est battue pour imposer son fils comme successeur de David. En honorant ces femmes qui ont en commun d’avoir utilisé tous leurs moyens – à commencer par leurs charmes – pour faire valoir leurs droits, le premier chapitre du Nouveau Testament donne un coup de pied dans le derrière de tous ceux qui ont une conception étroite, moralisante et bien-pensante de la religion.
Le deuxième chapitre poursuit dans la même veine en évoquant l’histoire des mages qui sont les premiers visiteurs venus féliciter le jeune couple. Ces mages venaient d’Orient, probablement de Babylone qui était une terre de déportation. Ces mages scrutaient l’avenir dans les étoiles, ce qui était totalement interdit en Israël. Dans le Premier Testament, les mages étaient les devins de Pharaon qui s’adonnaient aux pratiques occultes et les envoûteurs de Babylone qui se sont opposés à Daniel, et dans les Actes des Apôtres, les mages étaient des prophètes de mensonge. Autrement dit, Matthieu a appelé ce qu’on faisait de pire dans le domaine religieux pour adorer le nouveau-né.
Dans ces premiers chapitres, Matthieu fait de la théologie à coups de marteau pour reprendre l’expression de Nietzsche. Il déconstruit les conceptions religieuses traditionnelles pour nous aider à accueillir l’im-pensable de la grâce.