Dans la poursuite de notre lecture qui consiste à faire entrer en résonance la parole biblique et l’actualité, comment évoquer la Pentecôte au temps du déconfinement ?

J’ai lu plusieurs méditations qui parlaient de l’arche de Noé en faisant remarquer que c’était la première histoire de confinement dans la Bible. Le parallèle est intéressant, mais ne va pas très loin, car la Bible dit peu de choses de la vie à l’intérieur de l’arche. En revanche, elle raconte un épisode qui annonce la sortie de l’arche et que nous pouvons facilement rattacher à la Pentecôte : le lâcher de colombe, la colombe étant dans la Bible une représentation de l’Esprit[1]. Le récit ouvre trois pistes.

L’espérance. Le lâcher d’oiseaux était une pratique courante chez les marins qui s’approchaient d’une côte. Selon la direction que prenait l’oiseau, ils savaient où se trouvait la terre ferme. Noé a lâché la colombe lorsqu’il a pensé que la terre était proche alors qu’il ne voyait encore rien. Dans l’épître aux Romains, le propre de l’espérance est qu’elle met en mouvement à partir de ce qu’on ne voit pas : « L’espérance qu’on voit n’est plus une espérance : ce qu’on voit, peut-on l’espérer encore ? » (Rm 8.24). La foi consiste à croire qu’il existe une réalité spirituelle au-delà de ce qu’on voit avec nos yeux. L’espérance nous conduit à devenir les témoins de cette réalité, par nos actes et nos paroles. L’Esprit de Pentecôte nous pousse à oser la foi, oser la parole, oser le témoignage.

La persévérance. Le texte nous dit qu’une première fois la colombe est revenue vers Noé. Il a alors attendu sept jours avant de lâcher une seconde, puis une troisième fois la colombe : il a été persévérant dans l’espérance. J’ai écrit dans mon blog un article sur le défi de la persévérance appelé « le dur désir de durer » dans lequel je disais que rien de grand ne peut se faire sans persévérance. L’Esprit est comme la manne que le peuple recueillait au désert : tous les matins il nous donne les forces nécessaires pour affronter les défis de notre journée.

La paix. La première fois que la colombe est revenue, elle tenait dans son bec une feuille d’olivier qui un signe de vie après la destruction du déluge. Depuis ce récit le rameau d’olivier est devenu un symbole de paix. Dans la Bible, la paix n’est pas l’absence de guerre, le shalom induit une certaine prospérité, la justice et l’harmonie entre les contraires. Les commentaires ont relevé que le mot shalom s’écrit en hébreu avec trois lettres : le Chin (Ch), le Lamed (L) et le Mem (M). Dans la tradition rabbinique un mot est associé à chaque lettre, la lettre Chin symbolise le feu (esh en hébreu), le Lamed le cœur (leb) et le Mem l’eau (mayim). Ainsi le mot paix s’écrit avec trois lettres qui représentent le feu, le cœur et l’eau. Le feu et l’eau sont antagonistes puisque l’eau éteint le feu et que le feu assèche l’eau. Entre ces deux éléments, le cœur est dans l’anthropologie biblique le lieu de la décision et de la compréhension véritable. Le shalom apparaît lorsque, par notre intelligence et notre compréhension, nous arrivons à faire vivre en harmonie l’eau et le feu.

Avec Noé, nous entendons le message de la Pentecôte comme une parole qui nous appelle à l’espérance, à la persévérance et à devenir artisans de réconciliation.

[1] Gn 8.8-12.