Quand le premier couple est chassé du paradis, il est envoyé dans le monde pour cultiver la terre. Un verset curieux dit que Dieu a placé deux chérubins avec des épées flamboyantes pour barrer l’accès au chemin de l’arbre de vie (Gn 3.22-24).

Ce verset est habituellement interprété dans le sens d’un interdit posé à la nostalgie d’un paradis originel perdu. C’est dans l’histoire et dans le vrai monde que l’humain est invité à assumer sa vocation.

Je tiens du pasteur Roland de Pury une autre interprétation de cette image. Depuis qu’il a mangé le fruit, l’humain est entré dans l’histoire dans toutes les contradictions de son humanité. Si l’arbre de vie est un symbole d’éternité, qui voudrait vivre dans l’éternité avec ses contradictions, ses rancunes et ses regrets, ses maux de dents et ses avarices ? La question a été soulevée dans la légende du juif errant qui a été condamné à ne pas mourir parce qu’il avait refusé de secourir le Christ. Elle est à l’origine d’une veine littéraire qui a été régulièrement reprise. L’idée est que vivre éternellement dans une humanité qui est une succession de tragédies est une malédiction.

La réponse que le Nouveau Testament apporte à cette malédiction est le jugement de Dieu. Pour l’apôtre Paul, le jugement n’est pas le grand tribunal qui décide du sort de notre éternité comme l’iconographie le représente souvent. Paul prend l’image de notre vie comme une maison qui est construite avec les différents matériaux de notre histoire. Parmi ces matériaux, certains sont nobles, Paul parle d’or, d’argent et de pierres précieuses ; ce qu’il y a de plus beau dans notre histoire. D’autres matériaux sont vils, Paul parle de bois, de foin et de chaume qui correspondent à ce dont on n’est pas très fier et qu’on préfère oublier. L’apôtre ajoute que le jugement est comme un feu qui brûle tout ce qui n’a pas besoin d’être éternisé pour ne conserver que ce qu’il y a de plus beau dans notre histoire (1 Co 3.10-15). Le jugement est une purification qui ne laisse subsister que ce qu’il y a de meilleur en nous. Alors les chérubins laisseront tomber leurs épées et nous pourrons manger du fruit de l’arbre de vie.