Lorsque nous pensons au royaume des cieux, chacun d’entre nous projette son image idéale. Pour les uns, ce sera un banquet avec des mets rares et des vins fins, pour d’autre une plage de sable fin au bord d’un lagon turquoise, pour d’autres enfin une promenade dans une nature paisible et bienveillante. Il n’est pas interdit de rêver, mais il est plus sûr de nous mettre à l’écoute de ce que les Écritures disent et là, la description ne correspond pas exactement à nos attentes. Écoutons l’enseignement du sermon sur la montagne.
Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux ! Le royaume appartient à ceux qui se savent pauvres au plus profond de leur personne. On essaye de négocier avec ce verset en se disant qu’il est à comprendre au niveau psychologique, mais Luc enfonce le clou en associant à cette béatitude, une contre-béatitude : Mais quel malheur pour vous, les riches ! Vous tenez votre consolation ! (Lc 6.24). En quoi est-ce un malheur d’être riche ?
Pour aider à penser, un petit texte que j’aimais discuter avec mes catéchumènes.
On rêve, en lisant certains magazines, de ce qu’on croit être la vie des stars. Que pensez-vous de cette journée ordinaire ? Vous vous levez à huit heures. Vous prenez un jus d’orange et vos vitamines. Une promenade d’une demi-heure avec votre chien vous prépare au petit-déjeuner. Après quoi vous lisez ce que les journaux racontent de vous, et le courrier de vos admirateurs. Vers dix heures et demie, première visite à la piscine, gymnastique, bain, soleil et toilette complète. Après vient l’heure du déjeuner que vous prenez avec des amis. Après le déjeuner, café, puis vous avez un film à voir en projection privée, une course à faire et quelques coups de téléphone à donner. Vers quatre heures, tennis ou équitation ou golf. Puis retour à la piscine, douche et massage. Après ces exercices, il est recommandé de faire une petite sieste. Quand on se réveille de la sieste… on a quatre-vingts ans.
Pourquoi les riches selon l’Évangile sont-ils malheureux ? Parce qu’il ne leur manque rien. Ils n’ont plus de désirs puisqu’ils peuvent tout s’offrir.
Un apologue nous aidera à l’entendre.
Un homme braque une banque, prend des otages et se fait tuer. Il va au ciel et est reçu par un vieillard. Dans un premier temps il est plutôt inquiet, mais son hôte l’accueille dans un monde de rêve. Il peut avoir tout ce qu’il désire.
Il a autant d’argent qu’il veut, mais il ne peut rien acheter car tout est gratuit. Les filles sont jolies. Elles se donnent à lui sans joie, et n’ont pas de peine lorsqu’il les quitte. Elles restent indifférentes lorsqu’il essaye de les blesser. Quand il essaye de s’imposer en passant devant les autres, personne ne proteste, et tout le monde lui sourit en silence. Comme il peut avoir immédiatement tout ce que son cœur désire, les choses qu’il aimait perdent leur goût. Quand il rentre chez lui, personne ne l’attend ; et quand il ne rentre pas, personne ne s’inquiète.
Un jour, il apprend que ses amis, eux, sont dans l’ « autre endroit ». N’en pouvant plus il appelle le vieillard et dit qu’il a dû y avoir une erreur.
– Non il n’y a pas d’erreur, répond le vieillard, vous occupez bien la place qui vous est réservée.
– Normalement, ne devrait-on pas aimer être au paradis ? Comment se fait-il que je me sente si mal ? Interroge l’homme.
– Qui vous a dit que vous étiez au paradis, répond le vieillard ? Le paradis, c’est l’autre endroit. Ici, c’est la mort!
Cette image du paradis est le contraire du Royaume dont parle les Évangiles qui appartient aux doux et aux humbles, dans lequel les premiers sont les derniers, les maîtres les serviteurs et les étrangers aux places d’honneur.
Si c’est ce qui nous est promis, pourquoi ne pas commencer à s’entraîner ?