Karl Barth, rencontrant le père Congar, lui a posé cette question : « Comment pouvez-vous attribuer une telle importance à l’eucharistie alors que, dans le Nouveau Testament, elle occupe si peu de place ? »
Les Réformateurs en ont réduit l’importance, mais étant donné l’envahissement de cette question dans la vie de l’Église romaine, ils n’ont pas pu aller jusqu’au bout. Parce que ni Marc ni Matthieu ne recommandent de répéter le geste de bénédiction de Jésus « en mémoire de lui ». Seules quelques versions anciennes de Luc (mais pas toutes) le précisent. Et aussi Paul dans sa première lettre aux Corinthiens. Mais il n’a pas plus assisté à la cène que les évangélistes.
De toute façon, le « faites ceci en mémoire de moi », s’il a été prononcé, s’adressait aux disciples présents et pas forcément à la multitude de tous les chrétiens pendant tous les siècles à venir. De sorte que Jésus, au dire du Nouveau Testament, n’a pas « institué » la cène. Ce n’est pas parce qu’on utilise l’impératif qu’on institue. Jésus parle très fréquemment à l’impératif ; s’il instituait à chaque fois, l’Église croulerait sous les institutions ! Et même la « présence réelle » des Réformateurs n’a pas de fondement biblique. Nous pouvons considérer que Jésus est présent en tous temps et en tous lieux dans le cœur de ses fidèles mais aucun texte du Nouveau Testament n’insinue qu’il serait davantage présent lors des commémorations futures de son dernier repas pascal.
De la même façon, cette idée de sacrement est une invention de l’Église ancienne que Luther n’a pas osé repousser complètement. Le sacrement n’a rien de biblique. […]