Penser « out of the box », innover, co-créer, imaginer le futur, faire évoluer des idées collectivement au cours d’un brainstorming ou d’un hackathon… Les propositions sont de plus en plus nombreuses pour vivre certains projets de manière créative, seul ou à plusieurs. Quand on a un métier très technique, quand on est dans un milieu très conservateur, avec des pratiques professionnelles bien ancrées, inviter la créativité fait bouger les lignes, mais peut créer de l’inconfort.
Créatif, moi ?
Pourtant, les activités créatives, la plupart du temps manuelles, sont très bénéfiques aux cartésiens que nous sommes. Elles aident aussi les plus stressés ou angoissés à retrouver du calme, par l’état de « flow » qu’elles déclenchent : un état de bien-être et de satisfaction quand on exécute une tâche de difficulté moyenne, durant laquelle le temps semble suspendu. Une expérience optimale, que nous avons déjà évoquée.
Quand on n’a pas touché un crayon ou un pinceau depuis des décennies, difficile de se projeter dans une démarche créative, sans se sentir perdu ou jugé. Non, les expériences créatives ne sont pas réservées aux enfants, et il y a beaucoup à découvrir sur soi dans ces approches, dès lors qu’on laisse ses préjugés de côté.
Le blog a déjà recensé pour vous différentes expériences créatives : l’intérêt de l’art-thérapie, la pratique de la linogravure, écrire des pages du matin, utiliser le mind-mapping, fabriquer un fanzine, réaliser un bocal à bonheur… Et rappelez-vous comment, au début du premier confinement du printemps 2020, la créativité s’était réveillée pour maintenir le lien et nous aider à tenir (je vous renvoie à cette petite vidéo).
Deux obstacles se dressent le plus souvent sur le chemin de la créativité :
- la conviction qu’on ne sait pas faire, l’argument le plus fréquent étant « je ne sais pas dessiner ».
- la volonté de réaliser quelque chose de « beau ».
Ce dernier argument alimente un besoin de comparaison, et entretient une auto-censure immédiate : ce que je fais est nul, autant ne pas commencer. Dans ces conditions, il y a peu de chances de réussir.
Partager ses créations
Comme beaucoup, j’observe et je suis depuis des années des personnes créatives, essentiellement sur le réseau social Instagram qui regorge d’artistes : dessinateurs, peintres, photographes, céramistes, couturiers, graveurs, ébénistes, décorateurs, … C’est un festival de couleurs et de réalisations plus merveilleuses les unes que les autres, qui semble réservé à un petit nombre de personnes très talentueuses. Mais rappelons-nous que l’objectif n’est pas de devenir un artiste, mais d’utiliser des supports artistiques pour réveiller sa créativité. Le moyen en lui-même prévaut sur le résultat.
Devant cette profusion, il est aussi tentant que douloureux de se comparer, et ceux qui s’y mettent le font généralement dans le plus grand secret, et de manière parfois honteuse, estimant que ça n’est « jamais assez bien ».
Si je pars dans ce long préambule, c’est pour accompagner une réflexion assez commune à tous ceux qui s’ouvrent à leur créativité, tout en recherchant des moyens d’apaiser ce besoin de perfection, qui est parfaitement bloquant. Et ce qui m’a aidé à affirmer ma créativité dans la bienveillance, ce sont les échanges artistiques.
Courant 2021, j’ai participé à un échange de cartes dites ATC . Cet acronyme signifie Artist trading card, littéralement, « échange de cartes entres artistes », dont le principe a été élaboré par un artiste suisse à la toute fin du XXème siècle. La démarche est simple : on s’inscrit auprès d’un groupe (généralement crée par une blogueuse ou influenceuse artistique) et chaque mois, il s’agit de réaliser à la main une (ou plusieurs) ATC, et de l’envoyer à un (ou plusieurs) autre artiste, qui fait de même.
Une ATC est une réalisation miniature (son format imposé est de 6,4 x 8.9 cm) pour laquelle tout est permis : dessin aquarelle, coloriage, peinture, écriture, tampons, stickers, collages, insertion de fil ou de tissu… ou même tout cela à la fois, c’est ce que l’on appelle le « mix-media », un mélange de plusieurs techniques.
Une fois la carte réalisée, il ne reste plus qu’à l’envoyer par la poste à une personne désignée de son groupe. Et quelques jours plus tard, on reçoit dans son courrier une carte exécutée par une personne qu’on ne connait pas. Au rythme d’une carte par mois, cela reste tout à fait réalisable – et on change à chaque fois d’expéditeur et de destinataire.
Je suis entrée dans un groupe de 4 artistes, j’étais donc censée réaliser 4 cartes. Mais comme je me suis prise au jeu, j’en ai fait une pour chacune chaque mois, plus une pour l’organisatrice de l’échange, et à terme une pour moi. De septembre à décembre, j’ai ainsi réalisé plus d’une vingtaine de cartes. Ça ne m’a pris à chaque fois qu’une soirée – tout au plus un après-midi, et j’ai adoré cela !
J’en ai tiré plusieurs bienfaits :
- laisser vagabonder son esprit créatif sans contrainte ni cadre imposé : réfléchir à un thème, un mode d’exécution, une technique, des matériaux…
- le fait de ne pas se sentir jugé, dans la mesure où je ne connaissais aucun des participants (dont il faut bien reconnaître qu’ils sont la plupart du temps essentiellement des participantes) et réciproquement, et que chacun reçoit le travail de l’autre à égalité et avec bienveillance,
- s’inscrire dans une démarche désintéressée et doublement généreuse (offrir/recevoir), sans pression autour du résultat,
- créer du lien, de la sympathie, de la joie. Quel plaisir d’ouvrir chaque mois une enveloppe dans lequel se trouve une surprise minuscule que quelqu’un a concocté pour vous ! Et on se constitue une collection miniature adorable,
- partager et soutenir la créativité des autres – et doublement car la plupart de mes correspondantes étant sur Instagram, nous avons souvent posté nos propres créations comme celles que nous avons reçues. Montrer son travail est sans doute une des choses les plus difficiles à faire,
- réaliser que j’ai développé davantage de capacité à avoir spontanément des idées dans d’autres domaines, notamment dans mon travail. Ces échanges ont eu un effet d’agitateurs de neurones !
Si je vous ai donné envie de vous lancer, vous pouvez très facilement vous inspirer de milliers de réalisations déjà en ligne, ou trouver un échange en utilisant les hashtags #atcard, #atccards ou #atcexchange sur Instagram. Rien ne vous empêche de contacter directement un(e) artiste que vous appréciez pour échanger avec elle/lui. Pour ma part je suis repartie dans un challenge de 12 mois avec un nouveau groupe – à suivre si l’envie vous en dit sur mon compte Instagram @espaceducalme.