Dans mon village, des doses étaient disponibles et ne trouvaient pas preneurs. Le médecin m’a dit avec un sourire au coin des lèvres que j’avais sûrement un peu de tension qui relevait d’une comorbidité pour justifier ma vaccination !
Plus grave, il m’a dit que de nombreux rendez-vous étaient décommandés par peur du vaccin. Autour de moi, je connais plusieurs personnes qui ne sont pas insensibles aux arguments des anti-vaccins. Quand on ne connaît personne parmi ses proches qui a été en réanimation, on peut se payer le luxe de trouver désagréable de passer une mauvaise nuit après avoir été vacciné !
En tant que théologien, je voudrais opposer deux principes bibliques aux anti-vaccins : la mémoire et l’intelligence.
Dans le livre du Deutéronome qui est selon la tradition le testament de Moïse, ce dernier laisse un chant que les Israélites doivent régulièrement relire. Il dit notamment : « Souviens-toi des jours d’autrefois… Interroge ton père, et il te le racontera ; tes anciens, et ils te le diront » (Dt 32.7). Le jour où j’ai interrogé mon grand-père, il m’a raconté la tuberculose qui a décimé sa famille : entre les deux guerres, il a perdu un frère, une sœur et ses deux parents de cette maladie. Le jour où j’ai relu l’histoire de mon village, j’ai entendu que des familles ont été décimées par la grippe espagnole au début du XXe siècle et par le choléra au XIXe. De nos jours la tuberculose, la grippe et le choléra tuent peu… grâce aux vaccins.
Le même Deutéronome nous appelle à cultiver la sagesse et l’intelligence (Dt 4.6). Le propre de l’intelligence est de voir les choses telles qu’elles sont et non telles que nous souhaitons, ou que nous craignons, qu’elles soient. Le risque d’être en réanimation à cause du Covid est mille fois plus important que le risque d’avoir un problème de santé à cause du vaccin. Alors j’ai pris le risque de me faire vacciner, de même que tous les matins je vais à la boulangerie acheter mon pain au risque de me faire écraser par une voiture et qu’une fois par semaine je fais mon jogging au risque de faire une crise cardiaque. On peut vivre avec zéro risque, il suffit de ne pas sortir de chez soi, de ne voir personne, et de ne pas toucher un objet avant de l’avoir désinfecté, mais qui voudrait de cette vie ?
Alors je rends grâce pour l’intelligence des savants qui nous ont offert dans un temps record un vaccin pour contrer l’épidémie qui nous touche… pour qu’au plus vite on puisse de nouveau se toucher, s’embrasser, chanter ensemble et partager une bière sur une terrasse de café.