Francis Cabrel est connu pour ses chansons d’amour. Elles sont nombreuses à être entonnées au coin du feu : Je l’aime à mourir, Je t’aime, je t’aimais et je t’aimerai ou L’encre de tes yeux. Mais Cabrel n’est pas Julien Clerc pour autant. Il a écrit de nombreuses chansons engagées. La Corrida, par exemple, un véritable manifeste contre la tauromachie. African Tour dénonce avec vigueur les politiques migratoires européennes. Il faut dire que le chanteur est également un élu politique aux convictions solides…

Critique des clercs

Dans plusieurs de ses chansons, l’artiste du sud-ouest égratigne la religion chrétienne. Dans Les cardinaux en costume, par exemple, Francis Cabrel s’en prend à la hiérarchie catholique, des prêtres aux évêques, fort peu engagée dans les problèmes du monde : la prostitution, l’exil, la misère… Dans Monnaie Blues, il critiquait des clercs aux moeurs plus que douteux… Et, il l’avoue dans une interview au Figaro.fr, il le fait plus ces derniers temps : « J’ai déjà abordé [le thème de la religion] dans une chanson qui s’appelle Assis sur le rebord du monde. Mais, depuis quelques années, j’y réfléchis beaucoup. » Et on peut voir en effet une évolution du thème. En 1994, par exemple, dans Assis sur le rebord du monde, il se met à la place de Dieu pour le faire parler. Dieu apparaît ainsi sous la plume de l’artiste comme le créateur, navré de ce que les hommes ont fait de la création qui leur avait été confiée.

Critique de Dieu…

Quatorze ans plus tard, dans l’album Des roses et des orties, la réflexion s’est approfondie, la critique, toujours féroce, est plus mûre. Trois chansons sont consacrées à la foi ou à la religion : Les cardinaux en costume, Des roses et des orties et Un chêne liège. Dans cette dernière, il prie Dieu, l’interpelle, le questionne à la manière des psalmistes : « est-ce que tu penses à nous un peu ? (…) Est-ce vos larmes quand il pleut ? » Et il conclut : « c’est le doute et le mystère que vous m’aurez appris le mieux. Adossé à un chêne liège, je descendais quelques arpèges par un après-midi pluvieux. » Manière subtile de prolonger son interrogation sur l’origine de la pluie… Mais pas question pour lui de croire à une vie éternelle dans un autre monde. Il le dit clairement dans Des roses et des orties : « Les mêmes questions qu’on se pose / On part vers où et vers qui ? / Et comme indice pas grand-chose / Des roses et des orties » La vie se vit ici-bas ! Malgré les bonnes ou les mauvaises choses que l’homme peut inventer ou créer (et, très optimiste, Cabrel pense qu’au solde, il y aura plus de roses que d’orties…), celles-ci ne serviront de rien pour prolonger sa vie.

…mais croyant…

L’artiste, de tradition catholique, se reconnaît pourtant comme croyant. Profondément croyant et immanquablement non-pratiquant. Dans une interview au JDD, il avoue que c’est sans doute son « côté protestant » : le refus du faste, du décorum… Cette foi apparaît dans son dernier album, In extremis. Dans la chanson Dans chaque coeur, l’artiste réussit le tour de force d’écrire une chanson sur Jésus sans jamais prononcer son nom (cela aurait-il été moins vendeur ?). Mais, à l’écoute, pas possible de se tromper. Tout y est : la colline, la croix dressée, la couronne d’épines, les clous qui traversent les mains, un homme qui s’approche pour le faire boire… Le message que veut faire passer l’artiste est simple : dans chaque coeur, il y a un trésor, celui de l’amour du prochain. C’est cet amour que Jésus a montré par son message, par ses actes et le don de sa vie sur la croix. Cet amour, incarné par l’homme qui s’approche pour faire boire le Christ, est le seul espoir « auquel il faut s’accrocher ».

…en l’amour

Francis Cabrel n’est intéressé que par le message du Christ, « le message seulement » ! Dans l’interview qu’il a accordée au JDD, il dit : « le message premier de la religion que je connais le mieux –la religion catholique– est basé sur l’humanité, l’amour, le respect de l’autre. Dans l’époque brutale que l’on vit, il est important de se resserrer autour de choses très simples » comme celles-ci. C’est « un refuge simple, mais c’est peut-être l’une des solutions ». Au fond, une foi très humaniste et fort peu chrétienne…