Mais voilà, 24 films en compétitions et une multitudes d’autres projections dans les diverses sections qu’offre la Quinzaine, sans compter les séances spéciales et les hors-compétition, les courts-métrages et autres surprises de dernière minute… du soleil, beaucoup moins de journalistes et beaucoup plus de cannois aux projections… des billets pour entrer dans les salles, des contrôles sanitaires pour entrer dans le Palais… moins de papier, plus de wifi et de connexions internet, la plage, des touristes, des gourdes dans le sac, des badauds et des smartphones, de belles robes et aussi souvent peu de tissu sur les corps féminins, des nœuds pap, des tapis rouge, des masques, du gel et la voix de Pierre Lescure pour nous rappeler les consignes… un Spike Lee et quand même pas mal d’autres stars… et et… une palme d’or qui renverse toutes les attentes et les pronostics possibles et imaginables.
Titane, de Julia Ducournau est une œuvre radicale, parfois drôle, et certainement dérangeante qui marque les esprits pour sa folie transgressive et son audace dans son traitement de l’identité et des stéréotypes de genre. Si je reste personnellement dubitatif sur ce choix… eh bien, c’est maintenant à vous de voir !
Car n’oublions pas que l’une des forces de la dimension artistique et du cinéma notamment est de passer par le filtre de la réception individuelle. Chacun est libre devant une œuvre… il la contemple, la reçoit, se laisse interpeller, toucher, ou au contraire se bloque, la rejette ou éventuellement reste indifférent. Un Palmarès de Festival dit donc quelque chose de ceux qui ont choisi mais il n’est finalement qu’une proposition comme une autre.
Alors, dans cette liberté offerte, voici quelques propositions alternatives personnelles, reflets d’un regard qui cherche à se laisser éveiller, à être bougé. Qui espère toujours voir proposé dans un long métrage une expérience de la transcendance, me permettant de découvrir Dieu dans une histoire, des images, une musique et la combinaison de tous ces éléments.
Je ne vous cache rien… ce palmarès a été établi le samedi 17 juillet à 14h17 sans aucune information qui aurait fuitée un peu trop tôt du smartphone de Spike ou de Mylène. Je leurs avaient bien demandé pourtant (ça aurait été classe d’annoncer ça avant tout le monde) mais non, ils ont résisté à la tentation… enfin partiellement.
Donc finalement, ce n’est pas vraiment ça ou plutôt on dira : Peut mieux faire ! (hum… j’ai le souvenir que cette formule m’a été déjà lancée sur certains bulletins scolaire ou corrections de copies… on ne se refait pas !). Mais quand même, voyons le positif, et revendiquons haut et fort notre liberté : le pass spikeleenal ne passera pas par moi !
Pour faire court, et plus sérieux, deux grands oubliés à mes yeux avec Les Olympiades et Les Intranquilles.
Le film d’Audiard est pour moi un film d’où jaillit la grâce, tant sur les aspects techniques que dans l’histoire et son final remarquable. Pour celui de Lafosse, c’est une histoire de souffrance, de combat, de famille qui élargit son spectre d’interprétation avec le sentiment que l’intranquillité nous gagne tous face à la maladie et que notre société a sans doute aussi quelques soubresauts de bipolarité dans son fonctionnement et ses réactions.
Et puis, je me conforme aussi aux choix de ce Jury sur plusieurs films extrêmement intéressants, symbolisés notamment par les deux prix d’interprétation. Le comédien Caleb Landry Jones interprète Nitram dans le film éponyme de Justin Kurzel qui s’empare d’un terrible fait divers australien, la tuerie de Port-Arthur en 1996. Dans une tension narrative permanente, le réalisateur entreprend de nous faire pénétrer dans un esprit malade tout en décidant avec justesse de se tenir à distance lors des moments décisifs, préférant le hors-champ et l’ellipse.
Autre style, avec Julie (en douze chapitres), de Joachim Trier, une belle romance contemporaine, portrait d’une jeune femme d’aujourd’hui, dressé avec sensibilité, émotion et ce qu’il faut d’humour, le tout porté par Renate Reinsve, une jeune actrice absolument rayonnante. Et enfin, le Grand Prix de ce Festival, Ghahreman (Un Héros), le nouveau Asghar Farhadi, conçu comme une parabole sur des questions qui dépassent la vie immédiate de ses protagonistes.
Dans ce bilan, j’y ajouterai évidemment les deux films récompensés par le Jury œcuménique et tout d’abord la mention spéciale accordée à Hytti n°6 (Compartiment n°6) co-récipiendaire du Grand Prix. Ce voyage initiatique pas banal, proposé par le réalisateur finlandais Juho Kuosmanen, est pour moi le film le plus marquants spirituellement de ce Festival. Une parabole cinématographique autour de ce que la route parcourue peut nous donner de vivre comme transformation, par le biais notamment de la rencontre avec l’autre. Le Jury œcuménique a été particulièrement sensible au rapprochement de deux êtres que tout oppose, par cette cohabitation forcée et d’improbables rencontres tout au long du voyage.
Et enfin, Drive my Car du Japonais Ryusuke Hamaguchi. Il s’agit d’une adaptation d’une nouvelle de Haruki Murakami, une œuvre atypique et exigeante qui joue beaucoup avec son spectateur, jonglant d’une langue à l’autre, que ce soit le mandarin, le japonais ou même la langue des signes coréennes. Ici aussi, c’est un envoûtant et poétique road-movie qui nous est proposé, abordant la question du deuil et du pouvoir de guérison de l’art et de la parole, grâce à un long voyage vers le pardon et l’acceptation. Dans son argumentaire, le Jury œcuménique relève que le film délivre avec force un message universel : comment surmonter les barrières de communication dues aux conventions, classes sociales, nationalités et handicap. Ce long-métrage sortira en salles le 18 août.