Adapter Dune, le roman de science-fiction de Frank Herbert, en un long métrage était le rêve de toute une vie pour le réalisateur Denis Villeneuve. Après des années de travail et des retards dus à la pandémie, le cinéaste a enfin pu réaliser son rêve en 2021. La suite tant attendue est ce mercredi 28 février 2024 sur nos écrans… quel bonheur !
Alors que la première partie posait les bases et, par conséquent, adoptait un rythme de croisière plutôt lent, ce second volet se déroule sur un rythme effréné. Un spectacle cinématographique grandiose qui s’impose comme l’un des plus grands films de science-fiction jamais réalisés. Une expérience viscérale presque irrésistible, méticuleusement élaborée par un homme dont l’amour pour le matériau d’origine éclate dans chaque image. C’est à la fois une superproduction épique et une étude de caractère perspicace fabuleusement mystique.
Précédemment dans Dune 1…
Si vous n’avez pas revu Dune depuis sa sortie, il serait peut-être judicieux de revoir le film ou, plus simplement, l’une de ces vidéos récapitulatives sur YouTube. Denis Villeneuve s’attend à ce que son public soit bien au fait de l’histoire, ce qui rend superflus les résumés et les réintroductions.
La suite reprend peu après les événements du premier volet, avec Paul Atreides (Timothée Chalamet) relativement accepté comme l’un des Fremen, c’est-à-dire les natifs d’Arrakis, une planète désertique. Après avoir échappé au massacre de sa maison par les brutaux Harkonnens, Paul cherche à se venger malgré les protestations de sa mère enceinte, Lady Jessica (Rebecca Ferguson), qui prévient son fils que la vengeance est une chose à laquelle son défunt père n’a jamais cru.
Alors que la guerrière Fremen Chani (Zendaya) et certains de ses compagnons ont des doutes, beaucoup parmi les Fremen croient que Paul est un messie prophétique connu sous le nom de Lisan al-Gaib, en particulier leur chef Stilgar (Javier Bardem), qui a une foi inébranlable dans le fait que Paul est celui qui est destiné à ramener la prospérité sur Arrakis. Malgré l’insistance de sa mère sur le fait que Stilgar a raison, Paul refuse d’accepter le titre, d’autant plus qu’il est en proie à des visions induites par les épices qui montrent un avenir potentiel où son destin messianique conduit à une mort et à une destruction indicible.
Pendant ce temps, le baron Vladimir Harkonnen (Stellan Skarsgård) est de plus en plus frustré par les tentatives infructueuses de son neveu Beast Rabban (Dave Bautista) d’exterminer les Fremen et installe son jeune neveu sociopathe Feyd-Rautha (un sublime Austin Butler) comme nouvel homme en charge. Alors que Paul lutte contre son destin et que l’empereur Shaddam IV (Christopher Walken) et sa nièce la princesse Irulan (Florence Pugh) tirent les ficelles dans l’ombre, une guerre entre l’armée Harkonnen et les Fremen s’annonce et met en jeu le destin même d’Arrakis.
Coécrit avec Jon Spaihts, le scénario de Denis Villeneuve réussit à exploiter les querelles intergénérationnelles et les machinations politiques qui sont au cœur même de cette saga. Il s’investit dans l’approfondissement de ses personnages, en particulier dans la façon dont la soif de vengeance de Paul et la bataille morale entre sa tête et son cœur rendent ses jugements imprévisibles et même parfois troublants. Avec Stilgar et Lady Jessica qui influencent son esprit avec des prophéties messianiques, c’est une méditation assez mordante sur le pouvoir enivrant de l’influence religieuse.
Prophétie et recherche de sens
C’est en explorant un large éventail de questions intemporelles faites de moralité, d’éthique et de recherche de sens, allant de la nature du pouvoir et de l’autorité à l’interaction entre la religion et la politique, que Villeneuve et Spaihts brillent le plus.
Sur fond de politique et d’intrigues interstellaires, le film aborde des thèmes philosophiques et écologiques profonds, explorant l’équilibre délicat entre l’ambition humaine et le monde naturel, les conséquences d’un pouvoir et d’une avidité incontrôlés, et le pouvoir transformateur de la foi.
C’est une formidable méditation sur la condition humaine, explorant les profondeurs de la psyché humaine et les forces qui poussent les individus à la grandeur ou à la chute, où le concept de prophétie et de destinée occupe une place conséquente.
La performance de Timothée Chalamet
Au centre de tout, Timothée Chalamet, dont la performance prouve une fois de plus qu’il pourrait bien être la prochaine véritable star de cinéma. Il est à la fois fort et vulnérable, intelligent et ignorant, inspirant et frustrant. En d’autres termes, c’est un héros imparfait dont l’arc narratif est véritablement fascinant à suivre.
La performance de Chalamet est d’une noirceur qui n’était pas présente dans le précédent épisode, lui offrant la chance de danser avec l’ombre et la lumière pour créer quelque chose de nouveau. Il porte ce film sur ses épaules et ne faiblit jamais. Après une apparition relativement brève jusque-là, Zendaya prend toute son envergure ici en présentant son personnage, Chani, comme l’une des rares voix de la raison dans ce récit. Chani veut désespérément croire au bien qu’elle voit en Paul, mais elle a peur à la fois de ce qu’un messie signifie pour son peuple et de la façon dont sa romance naissante avec leur supposé sauveur obscurcit son jugement. Entre les mains expertes de Zendaya, Chani n’est pas une demoiselle en détresse aux yeux doux. Elle est le véritable cœur de ce film et son parcours est tout aussi captivant que celui de Paul.
Dune : Deuxième partie est un chef-d’œuvre visuel extrêmement impressionnant sur le plan technique. Des séquences de combat intenses aux scènes angoissantes de « chevauchée des vers », en passant par un segment monochrome absolument stupéfiant sur la planète d’origine des Harkonnen, chaque instant jaillit de l’écran pour éblouir vos yeux et vos oreilles de la meilleure façon qui soit. Au milieu de quelques-unes des meilleures images de synthèse jamais créées, vous bénéficiez d’une cinématographie impeccable de Greig Fraser, d’une nouvelle bande originale de Hans Zimmer qui tient la route forcément et ne se contente pas de reprendre paresseusement la partition emblématique du film original, d’un montage précis de Joe Walker, d’une grandiose conception sonore, et de costumes et décors époustouflants créés respectivement par Jacqueline West et Patrice Vermette.
Denis Villeneuve a réalisé un véritable exploit cinématographique. Dune : Deuxième partie est évidemment un blockbuster spectaculaire, mais il est tout aussi impressionnant par son fond, dans son introspection du destin, de la religion et de la politique.
Il renverse complètement le parcours atypique du héros et subvertit les classiques attentes. Palpitant, émouvant, impressionnant et indéniablement divertissant, il fait la synthèse de tout ce pour quoi nous allons au cinéma.
Relire la critique ciné du premier volet de Dune, sorti en 2021