En 1538, le théologien Jean Calvin se réfugie à Strasbourg, ville libre du Saint-Empire romain germanique qui accueille nombre de protestants chassés par l’édit de Coucy. C’est ici que l’auteur de l’Institution de la religion chrétienne découvre la pratique liturgique des congrégations luthériennes. Il se montre très convaincu de l’importance du chant pour stimuler la vie spirituelle des assemblées. Déjà en 1537, dans le projet d’articles qu’il rédige à l’attention du Conseil de Genève, l’article 2 incite clairement au chant des psaumes par l’assemblée[1]. Calvin veut donc rendre le chant des psaumes à tous, à l’image des premiers chrétiens. Rappelé en 1541 à Genève, il publie l’année suivante, en collaboration avec le poète Clément Marot (1496-1544), qui versifie des psaumes, un recueil de 30 Chants ecclésiastiques. Les mélodies se devaient d’être simples et facilement mémorisables, le chant pur et dépouillé. Ces psaumes connurent un si fort succès qu’ils se diffusèrent en Suisse et en France, sur des mélodies diverses. On peut citer entre autres les mises en mélodies (et leur harmonisation, contre l’avis de Calvin) par les compositeurs flamands Claude Goudimel (1505-1572) ou Pierre de Manchicourt (1510-1564).

Psaume 130 « Du fond de ma pensée » traduit et versifié par Clément Marot, mis en musique par Pierre de Manchicourt, par Evelyne Dasnoy et André Vandebosch.
Psaume 130 « Du fond de ma pensée » traduit et versifié par Clément Marot, mis en musique par l’Ensemble Claude Goudimel sous la direction de Christine Morel.

En 1562 est publié le Psautier de Genève, un recueil de 150 psaumes – aujourd’hui traduit dans près de 22 langues –, grâce au travail complété et finalisé par Théodore de Bèze (1519-1605). Le psautier restera pendant trois siècles le seul recueil du chant des Réformés. La production musicale s’est alors pratiquement arrêtée vers le milieu du XVIIe siècle. Le Psautier de Genève connaîtra rapidement un essor extraordinaire, profitant des nouvelles technologies de l’imprimerie musicale. En France, les huguenots réussissent ainsi à se procurer le recueil et en adaptent certains psaumes, notamment grâce à Valentin Conrat.

Psaume 42 Comme un cerf altéré brame, mélodie de Louis Bourgeois (c. 1510-1559), texte de Théodore de Bèze, lors de la célébration du 500ème anniversaire du poète à Mialet.

En Angleterre : chez les anglicans

Après la séparation de l’Eglise anglicane avec l’Eglise catholique en 1534, la liturgie latine est remplacée par des textes et des prières en anglais. La liturgie reste toutefois, pendant longtemps, dans le sillage de la messe romaine. Le premier livre de chants anglicans, The Book of Common Prayer noted du compositeur John Merbecke, est publié en 1550. On y trouve arrangements de chants issus du répertoire grégorien et créations. La reine Elisabeth Ière décrète l’autorisation et l’encouragement de création d’hymnes et de cantiques sur les textes réformés anglicans, qui se doivent rester d’une grande sobriété afin que les mots puissent être compris de tous. En 1563, John Day (1522-1584) publie 150 psaumes. On abandonne alors progressivement le recueil de Merbecke et complétement l’usage du plain-chant pour une influence à tendance calviniste, le puritanisme imposant un style plus simple.

Sursum corda, Sanctus & Benedictus de Merbecke à l’église anglicane St. John de Detroit (technique responsoriale).

[1] CALVIN Jean, Les Ministres de Genève au Conseil de Genève. Articles baillés par les prêcheurs, Article 2 : « L’autre part est des psaumes, que nous désirons être chantés en l’église, comme nous en avons l’exemple en l’église ancienne et même le témoignage de saint Paul, qui dit être bon de chanter en la congrégation de bouche et de cœur. […] Les psaumes nous pourront inciter à élever nos cœurs à Dieu et nous émouvoir à une ardeur tant de l’invoquer que d’exalter par louanges la gloire de son Nom.