Adi, 17 ans, passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir, il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain, son monde est entièrement bouleversé. Ses parents ne le regardent plus comme avant et l’apparente quiétude du village commence à se fissurer.

C’est à partir d’une actualité datant d’une dizaine d’année que Pârvu et sa coscénariste, Miruna Berescu, ont imaginé ce récit : la sombre histoire criminelle d’un viol d’une jeune fille par sept hommes dans un village perdu de Roumanie. La communauté entière s’était retournée contre elle. Mais ici les choses changent et passent par le prisme de l’homosexualité. Le réalisateur explique néanmoins qu’il était plus intéressé par l’exploration d’une nouvelle perspective sur un certain sujet que par le fait de raconter une histoire LGBTQ, en soi. « La valeur d’une histoire réside, à mon avis, dans la manière dont vous la racontez. Chaque histoire a ses propres particularités : elle se déroule peut-être dans une autre partie du monde ou se concentre sur les juifs, les personnes de couleur, les Roms ou la communauté gay. Ces histoires peuvent montrer une perspective à laquelle personne n’a pensé auparavant […]. Par exemple, dans mon film, mes personnages se comportent de manière tout à fait inadéquate avec un enfant, et j’ai eu l’occasion de capturer cela ». On peut ajouter à cela que de toute façon nous passons tous, à un moment donné, dans le camp de la minorité.

Pârvu a cet intérêt pour ceux qui ne sont pas privilégiés

C’est ainsi qu’il examine et critique la façon dont la société traite les plus vulnérables (lire aussi ma critique de La jeune femme à l’aiguille). Il est troublé par ce qu’il considère comme un manque de compréhension, tant en Roumanie que dans le monde entier. Il espère que son film « soulèvera des questions sur la manière dont les gens devraient se traiter les uns les autres, sur ce qu’est le véritable amour au sein d’une société et d’une famille », ajoutant : « Je pense que nous pouvons avoir une meilleure société si nous entamons un dialogue, si nous pouvons nous intéresser aux problèmes des autres. »

Car le grand sujet traversé derrière cette histoire se situe sur autour de la question de l’amour inconditionnel. Ce que la bible nomme Agape, cet amour divin inconditionnel que nous sommes appelés nous aussi à manifester. Alors disons-le sans détour… l’Église en prend ici pour son grade.

Car, au nom de la foi (mais aussi du « quand dira-ton », de l’apparence) on peut parfois dire et faire n’importe quoi (et l’expression est malheureusement faible). Cet amour de Dieu pour ses enfants devrait inspirer pour le cinéaste l’amour entre n’importe quel parent et son enfant, expression de la forme d’amour la plus puissante qui soit, et donc inconditionnelle. Mais quand il en vient à se soumettre à des conditions, il y a alors matière à débat.

La région qui sert de cadre au film est autant un personnage qu’une toile de fond

Pârvu décrit le delta du Danube comme « l’endroit où la Terre se termine », une région dont la « beauté naturelle pure » offre un contraste saisissant avec le côté hideux de la nature humaine exposé dans son histoire. Le delta est également particulièrement bien placé pour dire le choc des cultures qui éclate ici. Isolé pendant la majeure partie de l’année, il voit soudain affluer des touristes en été, apportant avec eux d’autres mœurs urbaines, d’autres valeurs dans un endroit où les traditions ont toujours cours. Ces visions du monde finissent par se heurter. Pârvu nous le raconte et reste sobre, mais très efficace. Dans la fin qu’il propose, il n’en rajoute pas laissant le spectateur comprendre de lui-même la situation.

Un film qui aurait toute sa place en support à des débats ou autres discussions, en paroisse ou plus largement encore.