Dans un de ses livres, Martin Buber fait la distinction entre deux types de foi qu’il désigne par un terme hébreu, émouna, et un terme grec, pistis.

La foi comme pistis se définit par l’adhésion à un ensemble d’affirmations qu’on admet comme vraies : Je crois que Dieu est, que Jésus est le Christ de Dieu, qu’il est ressuscité des morts, qu’il a envoyé son Esprit… La foi chrétienne se présente comme un certain nombre d’affirmations que nous sommes invités à croire.

Une seconde compréhension de la foi, que Buber inscrit dans le registre de l’émouna hébraïque, parle de la foi comme d’une démarche spirituelle de confiance. La foi n’est pas une vérité au même titre que la justesse d’une information dans l’annuaire du téléphone, elle met en mouvement. Plus que l’adhésion à une vérité, elle est la confiance en une personne.

La confession de foi comme temps liturgique s’inscrit dans ces deux registres.

La foi comme vérité

Les confessions de foi de la Bible se présentent comme l’énumération d’un certain nombre de fait.

Dans le livre du Deutéronome, lorsque le fidèle apporte son offrande, il est invité à confesser sa foi en racontant son histoire : Mon père était un araméen nomade, il descendit en Égypte, il devint une nation puissante et nombreuse, les Égyptiens nous ont maltraités, nous avons crié à l’Éternel, l’Éternel a entendu notre voix, il nous a fait sortir d’Égypte (Dt 26.5-8). Il n’y a aucun sentiment dans cette confession de foi, la simple énumération d’un certain nombre d’évènements.

Nous retrouvons la même démarche dans l’épître aux Corinthiens lorsque Paul annonce la résurrection à l’aide d’une formule dans laquelle les spécialistes reconnaissent une confession de foi qui devait être utilisée dans la liturgie de la première Église : Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures, il a été vu par Céphas, puis par les douze (1 Co 15.3-8). Cette confession de foi n’est pas une déclaration théologique, elle évoque la succession de faits bruts : Christ est mort – il a été enseveli – il est ressuscité – il a été vu par les apôtres. Derrière ces textes nous confessons que le créateur du ciel et de la terre a rejoint les humains dans les méandres de leur histoire.

La foi comme acte de confiance

Pourquoi, dimanche après dimanche, confesse-t-on sa foi ? Pourquoi répète-t-on ce qu’on sait déjà ? À qui je parle lorsque je dis : Je crois ? À deux types de personnes, à mes frères et sœurs qui sont à mes côtés dans la communauté et à moi-même.

La récitation du credo a une dimension communautaire : je dis la foi pour mon voisin et mon voisin la dit pour moi. La foi n’est pas une donnée qui s’impose d’elle-même, elle est toujours un doute surmonté. Elle est la protestation de l’espérance malgré tout ce qui, dans notre monde, nous pousse à désespérer et à abandonner la fidélité. La participation au culte est une façon de nourrir, d’entretenir cette foi, de prendre conscience du fait qu’on n’est pas seul à suivre ce chemin, de s’encourager dans notre suivance du Christ. La récitation de la confession de foi est une façon de se porter les uns les autres.

Dans cet acte liturgique, il est un autre à qui je m’adresse, c’est à moi-même. Dire : Je crois, même quand on croit mal ou qu’on ne sait pas très bien ce qu’on croit, est une façon d’affirmer un Dieu dont l’existence ne dépend pas de ses sentiments. Louis Evely a écrit : « La foi est toujours un mélange de lumière et d’obscurité. Croire, c’est être fidèle dans les ténèbres à ce qu’on a vu dans la lumière. » Il m’arrive de voir la lumière et il m’arrive d’être dans l’obscurité. Quand je suis dans la lumière, je dis je crois pour porter mes frères et mes sœurs qui sont dans l’obscurité et quand c’est moi-même qui suis dans l’obscurité, je dis je crois pour protester contre cette obscurité et confesser que j’ai été dans la lumière. En disant je crois quand je suis dans la ténèbre, j’affirme que je sais que la lumière existe, même si actuellement je ne la vois pas.

Quelle confession de foi ?

Dans les propositions liturgiques, il existe deux types de confession de foi. Les textes anciens – le plus connu est le symbole des apôtres – et les textes contemporains.

Les textes anciens ont l’avantage de l’universalité, même si leur vocabulaire est parfois décalé. Aujourd’hui, on ne sait pas toujours ce que signifie la rémission des péchés ou ce qu’on doit mettre derrière le fait que Jésus-Christ reviendra pour juger les vivants et les morts. D’autres credo disent la foi avec des formules plus facilement accessibles, mais le symbole des apôtres a l’avantage énorme de dire la communion des saints.

Les autres textes, plus récents, disent la foi dans un langage contemporain. Je pense à la confession de foi baptismale qui dit : « Nous croyons et proclamons avec joie que Jésus-Christ s’est donné pour toute l’humanité : pour celles et ceux qui ont vécu depuis les origines de l’histoire, pour celles et ceux qui naîtront jusqu’à la fin des siècles ; pour les foules qui se pressent dans les villes, pour les habitants de la montagne la plus reculée, pour le bébé qui vient de naître, et pour le vieillard sur le seuil de l’éternité… Oui, pour tous, pour toi, pour moi, Jésus-Christ est venu. Il a vécu, lutté, souffert. Il a traversé l’agonie de Gethsémané, et les ténèbres de la croix. Il a triomphé de la mort et ouvert devant nous les portes d’une irréductible espérance… » Cette confession est heureuse et elle dit la foi dans un vocabulaire qui nous convient, mais elle perd en universalité ce qu’elle gagne en actualité.