Parfois, nous avons le sentiment que la prière est paresseuse, que l’Écriture est ennuyeuse. La foi devient alors laborieuse. Nous pouvons ne rien faire, et entrer alors dans une routine fastidieuse. Mais nous pouvons aussi réagir, et invoquer l’Esprit de Dieu. La prière devient alors un acte de foi, la reconnaissance que nous attendons tout de Dieu, surtout pour notre foi.

Dans une de ses prières, André Dumas a écrit : « Ta parole est comme du pain. Casse sa croûte pour que nous puissions goûter sa mie. » Invoquer l’Esprit de Dieu avant une lecture biblique est une façon demander qu’elle soit pour nous une nourriture.  

La tradition réformée a justifié cette pratique liturgique au nom de ce qu’elle a appelé le témoignage intérieur du Saint-Esprit.

Le Témoignage intérieur du Saint-Esprit

D’où vient l’autorité des Écritures ? Pourquoi accordons-nous à la Bible une autorité particulière, plus importante qu’aux autres livres religieux ? Plusieurs réponses ont été apportées à cette question.

Certains répondent par la tradition qui a reconnu dans la Bible la parole de Dieu. L’Écriture vient de la tradition, mais elle peut aussi la contester : les Réformateurs ont tous dit que ce n’est pas la tradition qui interprète la Bible mais la Bible qui juge la tradition.

D’autres appuient l’autorité de la Bible sur le fait que c’est le livre qui parle le mieux de Jésus et de son œuvre pour nous. Cette réponse est belle mais on peut l’interroger car, en toute logique, elle nous conduit à ajouter à la Bible d’autres livres qui nous parlent bien de Jésus et à en retirer les livres qui parlent peu de Jésus.

Une troisième réponse vient de la tradition réformée. Elle dit que c’est le Saint-Esprit qui nous convainc de l’autorité de la Bible. C’est en effet le même Esprit qui a inspiré les auteurs bibliques et qui nous inspire aujourd’hui pour nous faire entendre la parole de Dieu derrière les mots de la Bible.

Cette attitude est profondément spirituelle car elle ne nous met pas en situation de domination par rapport à la parole mais d’écoute, elle nous invite, avant d’ouvrir la Bible, à oublier tout ce que nous savons et à l’aborder avec le regard le plus neuf possible.

L’exemple de la Pentecôte

Puisqu’on invoque l’Esprit, on peut se rapporter au récit qui parle du don de cet Esprit. Dans le livre des Actes des Apôtres, le jour de la Pentecôte, des hommes de tous les pays écoutent les apôtres, et, ô miracle, ils entendent tous la Parole dans leur langue maternelle. Miracle de communication !

Dans tous les schémas de communication, il y a un émetteur et un récepteur. Ce jour-là, où s’est situé le miracle ? Pierre a parlé et tous l’ont entendu dans leur langue maternelle. La langue maternelle, c’est la langue que parlait leur maman, la langue de leur intimité. Soit l’apôtre a parlé plusieurs langues en même temps, soit les auditeurs ont entendu la parole, chacun dans la langue qui lui était la plus intime.

Un jour, des étudiants sont allés écouter un maître réputé pour sa sagesse. Ils passent la soirée ensemble, puis ils prennent congé. À la sortie, un des étudiants dit à ses compagnons : « Je suis vraiment désolé de ce qui est arrivé ce soir, car le maître n’a parlé que pour moi. Sachez simplement que ce qu’il m’a dit à moi était très fort pour ma vie, et que même si vous avez perdu votre temps, cette soirée était importante. » Un autre étudiant a protesté et lui a répondu : « Mon pauvre ami, tu te trompes complètement, ce n’est pas à toi que le maître a parlé, mais à moi seul. » Tous les étudiants disent la même chose : « le maître n’a parlé que pour moi. » Chaque étudiant a entendu la parole du maître dans sa langue maternelle.

Invoquer la présence de l’Esprit avant d’ouvrir la Bible revient tout simplement à demander que la Bible se mette à parler la langue de notre cœur.

La parole pour nous

En fait, la Bible est assez loyale : elle ne fait que répondre à la question que nous lui posons.

– Si nous y cherchons des renseignements sur la religion d’Israël, elle nous donnera ces renseignements et nous deviendrons des spécialistes de l’histoire du peuple hébreu et de la vie de Jésus.

– Si nous y cherchons une doctrine, elle nous livrera une doctrine. Avec un bon manuel et un peu d’entraînement, nous ne tarderons pas à mémoriser tous les versets nécessaires pour réfuter ceux qui s’opposent à la « bonne » doctrine.

– Si nous y cherchons une justification de nos opinions politiques, philosophiques ou morales nous la trouverons.

– Si enfin, nous n’y cherchons rien du tout, elle ne nous dira pas grand-chose.  Mais si nous y cherchons une parole de Dieu pour nous, pour nos vies alors, comme le dit l’épître à Timothée, la Bible pourra nous enseigner, nous convaincre et nous redresser[1], et, avec l’aide du Saint-Esprit, l’Écriture deviendra parole vivante. La question de son inspiration ne sera plus une question théorique mais une expérience. Nous pourrons alors dire que l’Écriture est inspirée comme nous disons que l’eau désaltère et que la nourriture fortifie.

[1] 1 Tm 3.16.