Le prétexte de la rupture a été le refus du pape Clément VII d’annuler le mariage du roi Henri VIII avec Catherine d’Aragon afin d’épouser sa maîtresse Anne Boleyn qu’il fera assassiner quelques années plus tard. Le roi a fait adopter par le parlement une série de lois qui privaient le pape de tout pouvoir de juridiction sur l’église dans son pays et qui déclarait le monarque « Chef suprême de l’Église d’Angleterre ».
L’anglicanisme
Le successeur d’Henri VIII, Édouard VI, est encore un enfant quand il est couronné, il mourra de maladie avant d’avoir atteint sa majorité. C’est sous son règne que Thomas Cranmer, l’archevêque de Cantorbéry, a rapproché l’anglicanisme de la Réforme en imposant l’abolition du célibat des prêtres et de la messe, et la pratique de l’anglais lors des offices. Il est à l’origine du livre qui a structuré la spiritualité des anglicans, le Book of Common Prayer (Livre de la prière commune) qui est toujours en vigueur de nos jours.
Après l’intermède sanglant de Marie Tudor, la première fille d’Henri VIII, qui a voulu restaurer le catholicisme, sa demi-sœur, la reine Élisabeth, a eu un règne assez long (1558-1603) pour installer définitivement l’anglicanisme dans le pays. Elle a cherché une voix médiane qui a forgé l’identité de l’anglicanisme entre ceux qui prônaient un retour vers Rome et les puritains qui contestaient le principe épiscopal et qui plaidaient pour un ccongrégationalisme, c’est-à-dire une indépendance de chaque Église locale.
Après une nouvelle édition du Prayer book moins anticatholique, l’Église s’est dotée d’une confession de foi, les 39 articles, qui posent les fondements doctrinaux de l’Église d’Angleterre. Les articles reprennent les grands principes protestants dont les deux piliers sont l’autorité souveraine des Écritures et la reconnaissance comme uniques sacrements du baptême et de la cène. À côté des sacrements, elle a conservé les rites sacramentaux que sont la confirmation, le mariage, l’onction des malades, la confession et l’ordination.
Tout en restant enraciné dans une théologie proche du protestantisme, l’anglicanisme a maintenu des formes extérieures qui rappellent le catholicisme avec le maintien des images, du crucifix et des vêtements liturgiques. Ce positionnement a fait de l’Église anglicane une sorte de pont (on parle de bridge church) pour favoriser le dialogue et la rencontre entre catholicisme et protestantisme.
Dans les années 80 du XXe siècle, le dialogue avec l’Église catholique laissait espérer une pleine communion, mais ils ont été interrompus avec l’accueil des femmes au pastorat en 1992, ce qui fut considéré par les catholiques comme une trahison. Quelques prêtres qui refusaient l’ordination des femmes ont été accueillis dans l’Église catholique, tout en restant mariés. Pour rappeler cette proximité, le pape Benoît XVI a promulgué en 2009 la Constitution Anglicanorum coetibus afin de faciliter l’accueil de certains groupes anglicans qui demandaient à être reçus dans la pleine communion de l’Église catholique.
Les grands principes de l’anglicanisme
Le livre fondateur de l’anglicanisme, le Prayer book, est un livre de spiritualité et non de théologie. Les différentes branches de cette dénomination se distinguent plus par leur pratique que par leur théologie si bien qu’on trouve dans la même communion une grande diversité qui s’organise autour de la polarité entre la low church (basse Église) et la high church (haute Église).
La low church représente la tendance la plus protestante de l’anglicanisme. Elle relativise l’importance de l’épiscopat et prône une certaine simplicité dans les cérémonies qui ressemblent aux cultes réformés. Cette tendance a été influencée par le puritanisme, puis par le mouvement évangélique marqué par l’engagement personnel des fidèles.
La high church est parfois appelé anglo-catholicisme. Tout en restant théologiquement ancrée dans le protestantisme, elle valorise la tradition et l’enseignement des Pères de l’Église. Elle insiste sur le rôle de l’épiscopat, la succession apostolique et l’usage des ornements liturgiques. Les participants à un culte high church ont parfois le sentiment d’assister à une messe.
Une troisième branche est composée de la broad church (Église large) qui représente la tradition théologiquement libérale. Largement ouverte aux résultats de l’exégèse critique des textes bibliques, elle fait confiance à la raison humaine et développe une conception plus optimiste de l’homme.
La grande originalité de l’anglicanisme est de faire vivre cette diversité au sein de la même communion en faisant preuve d’une remarquable tolérance interne.
Les anglicans dans le monde
Traditionnellement, l’anglicanisme était l’Église d’Angleterre et des pays du Commonwealth. Il est présent aux États-Unis où il a pris le nom d’Église épiscopalienne. À partir du XIXe siècle, il s’est développé dans le sillage de l’Empire britannique. Aujourd’hui, le pays où il y a le plus d’anglicans après le Royaume-Uni est le Nigéria, suivi de l’Ouganda et de l’Inde.
Comme dans toutes les dénominations, les Églises sont en croissance dans les pays du Sud et plutôt en régression dans les pays du Nord. Tous les dix ans environ, la conférence de Lambeth rassemble les primats et les évêques de la communion anglicane qui compte 80 millions de personnes dans le monde.
Lors de la dernière conférence en 2008, de nombreux évêques des pays du Sud ont boycotté la rencontre pour protester contre l’attitude des Églises du Nord qui ont considéré que l’homosexualité était compatible avec les Écritures et qui ont consacré des évêques homosexuels. Le sujet reste explosif et la communion est au bord de la rupture, sauf si un compromis est trouvé lors de la prochaine conférence qui se tiendra en 2021.