Ça bouge à Ingersheim, en périphérie de Colmar ! Au sein de l’Église mennonite d’Ingersheim, on vient autant pour déposer son enfant à un camp scout ou au club ados le samedi, qu’assister à un groupe de prière pour une œuvre caritative en Afghanistan, qu’écouter une prédication, etc.

Le tout est organisé par une communauté soudée qui vit et se développe, sans pasteur actuellement. « Certaines églises mennonites ont un pasteur mais ce n’est pas une obligation. Chez nous, le pasteur est un poste salarié dédié à des missions spécifiques telles qu’améliorer l’intergénérationnel entre les membres et réaliser des visites », explique Jonathan Oberlé, un des responsables spirituels de l’église d’Ingersheim, appelé aussi « ancien ». Avant de poursuivre : « il y a un verset de la Bible qui dit que « c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’ils reconnaîtront que vous êtes mes disciples » (Jean 13.35) . C’est de cette manière que l’on souhaite vivre aujourd’hui ensemble. » Ils sont aujourd’hui une cinquantaine de fidèles, accompagnés de beaucoup d’enfants, à venir régulièrement au culte chaque dimanche. Mais ils ont pu être par le passé beaucoup plus nombreux. Car l’église a une très longue histoire.

Thomas Muller à Colmar en 1530

Pour rappel, le mennonisme est un mouvement chrétien anabaptiste évangélique issu de la Réforme radicale. Apparu en Suisse, aux Pays-Bas ou encore en Allemagne, le mouvement anabaptiste regroupe différents courants aujourd’hui : les mennonites mais aussi les huttérites, les « Frères suisses » ou encore les Amish. La présence des anabaptiste est très ancienne à Colmar puisqu’elle remonte au XVIe siècle. « Le 24 avril 1530, premier dimanche après Pâques, sans y être invité, Thomas Muller monte en chaire à l’église Saint-Matthieu, alors sous l’administration des Franciscains. Il tente de parler, mais il est fait prisonnier et avoue être anabaptiste », peut-on lire dans un document relatant l’histoire de l’église d’Ingersheim.

Au fil du temps, en Alsace, le terme d’anabaptiste disparaît au profit de la dénomination « mennonite ». Son nom provient du prêtre hollandais, Menno Simons (1496-1561), devenu anabaptiste.

En 1780, on dénombrait 40 familles mennonites soit 208 personnes à Colmar et ses environs. On raconte qu’à l’époque une grande partie des fromages de la région de Colmar sont fabriqués par des mennonites. Après une vie nomade, et quelques déménagements, la communauté fait construire une église à Ingersheim en 1996. Le lieu est riche en souvenirs. « Sur la colline du Florimont qui domine Ingersheim, dans la montée vers Niedermorschwihr, on aperçoit la grotte qui autrefois abritait des réunions secrètes d’anabaptistes », raconte la fiche historique de l’église. En 2007, l’Église mennonite d’Ingersheim se déclare favorable à l’adhésion de leur union d’Eglises (AEEMF) à la Fédération Protestante de France (FPF), mais cette position ne sera pas adoptée par la majorité des communautés mennonites.

Une vie aujourd’hui très active

A Ingersheim, comme au sein de l’ensemble des églises mennonites, les fidèles sont baptisés quand ils sont suffisamment en âge d’exprimer leur profession de foi. « Les croyants doivent être assez matures pour comprendre ce qu’ils font », commente Jonathan Oberlé. Les mennonites sont par ailleurs de grands défenseurs de la non-violence. Ils refusent catégoriquement l’usage des armes contre les humains, et ainsi le service militaire.

Bien que la présence des mennonites à Colmar est ancienne, une grande partie des fidèles aujourd’hui ont découvert la communauté à l’âge adulte. On ne continue pas forcément à aller dans l’église où on se rendait en famille alors enfant. « Dans le secteur de Colmar, les églises évangéliques sont nombreuses. Les fidèles ont le choix. Dans notre communauté, certains ont rejoint l’église suite à un événement personnel comme une mutation professionnelle ou à une rencontre amoureuse », explique Jonathan Oberlé.

Un fonctionnement très collégial

Pour avancer, cette église a un fonctionnement très collégial. On retrouve à sa tête différents responsables spirituels, actuellement deux hommes et une femme, nommés « anciens ». Ces derniers appartiennent à un groupe plus large appelé « conseil fraternel ». Avec l’aide des fidèles, les anciens participent à l’organisation des activités de l’Église mennonite d’Ingersheim. Selon leur tranche d’âge, les jeunes prennent part à différents groupes où ils découvrent la Bible, mais aussi jouent, font des activités sportives ou créatives et se rencontrent. L’Église a un groupe scout, les Flambeaux, regroupant des jeunes de Colmar et des communes environnantes. Il regroupe aujourd’hui plus de 60 jeunes, croyants ou non.

Au sein de l’Église, des réunions de prières sont organisées sous deux formes différentes : une fois par semaine, les fidèles se réunissent en soirée et prient spécifiquement pour une association appelée le Pélican. Créé par un couple de fidèles, le Pélican est une ONG installée dans la banlieue de Kaboul qui œuvre en particulier pour l’accès à l’éducation. Une fois par mois, depuis la crise du Covid-19, les fidèles se retrouvent également par visioconférence pour prier ensemble pendant 45 minutes. « Malgré la distance physique, ce temps spirituel reste fort. Le point de départ peut être la Bible mais aussi un sujet d’actualité ou non, qu’une personne a envie de partager ce soir -là », commente Jonathan Oberlé. Le culte, animé par des conducteurs de louanges, varie également d’une semaine à l’autre. Une dizaine de prédicateurs se relaient pour partager la Parole de Dieu.

Avec modestie, Jonathan Oberlé résume : « on organise un certain nombre d’activités mais c’est Dieu qui nous permet de relever des défis ensemble et de partager autant de beaux moments les uns avec les autres ». Depuis la rentrée 2023, un groupe de fidèles part visiter les personnes âgées et les malades car comme l’explique Jonathan Oberlé : « lorsqu’un de nous souffre, c’est toute l’Église qui souffre. » La solidarité est ici une priorité.