Dans son remarquable petit livre Tous théologiens (réédité chez Van Dieren en 2023), le (très) regretté Raphaël Picon remet la théologie à sa juste place, c’est-à-dire sur la place publique, partagée par toutes et tous. C’est la conséquence pour lui de l’affirmation protestante du sacerdoce universel, de ce refus d’une distinction entre clercs (ou magistère) et laïcs d’une part, et, d’autre part, de cette proposition (pro-testimonium, protestation positive) de mettre chaque personne devant la responsabilité de formuler ses propres convictions. Depuis bientôt 80 ans, Réforme ne fait rien d’autre : proposer des points de vue, des « angles », sans jamais imposer des dogmes ou des doctrines toutes faites.

Dans son livre, Raphaël Picon écrit : « C’est à chacun de se déterminer dans sa foi et ses pratiques religieuses. Dès lors que nous sommes invités à lire la Bible, à la méditer et à l’interpréter, nous sommes valorisés comme des théologiens. […] La Réforme sort la théologie des Églises et du domaine privé. Elle devient une affaire publique. La Réforme met la théologie à l’air libre. » Cette libération de la parole théologique est essentielle pour notre protestantisme. Elle est notre marque de fabrique.

Un discours sur Dieu

Chaque semaine, toute l’équipe de Réforme se repose la même question : quel est notre regard protestant sur l’actualité ? Ce regard est sans doute marqué par ce décalage, cette proposition de dire que tout peut être théologique, car tout ce qui parle de l’être humain, de son actualité, de sa situation, nous renvoie à une forme de discours sur Dieu, c’est-à-dire de théologie qui parle de Dieu, et non à la place de lui. La manière dont nous comprenons l’être humain est aussi une manière de dire comment nous comprenons Dieu. Même notre éventuelle incroyance est une forme de discours sur Dieu.

[…]