Le rapport de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église) vient d’être rendu public. On soupçonnait que la situation était grave, on ne savait qu’elle l’était à ce point puisque le texte parle de plus 300.000 victimes depuis 1950 et de 3000 prédateurs parmi les prêtres et religieux.

Qui dira le nombre de suicides, de dépressions et d’hommes et de femmes qui ont été incapables d’avoir une vie sexuelle épanouie à cause de ces offenses ?

Mes sentiments sont partagés entre la colère et la honte. La colère de voir comment l’Évangile que j’aime, et qui est une parole de vie, est devenu une parole de mort. La honte d’appartenir à l’Église universelle qui est responsable de tant de malheurs.

Dans l’Évangile, la victime est première, c’est elle qui est une image du Christ. Le rapport parle de dédommagements financiers. Oui, bien sûr, mais l’argent ne peut pas tout. Il est bien de reconnaître aux abusés leur statut de victime, mais comme racheter une vie blessée ?

Le rapport parle de réformes nécessaires. Lorsque sur une route de montagne un accident se produit de temps en temps, on le regrette, mais quand on en est à 300.000 accidents dans le même virage, on arrête d’invoquer l’imprudence des chauffeurs et on s’interroge sur la construction de la route.

L’Église ne pourra pas faire l’économie de deux réformes majeures.

Revoir son discours sur le désir et la sexualité. Rappelons qu’il y a moins de dix ans, dans son rapport préparatoire sur le synode de la famille, l’Église catholique présentait encore le couple formé par Joseph et Marie comme exemple pour les couples. Or dans la spiritualité catholique, c’est un couple sans sexualité puisque Marie est restée vierge. Est-ce raisonnable d’offrir un couple sans sexualité comme modèle du couple idéal ? Comme le dit l’adage : « Qui veut faire l’ange fait la bête ». À nier la place du désir, l’Église s’interdit de penser la sexualité et elle laisse le champ libre à tous les monstres.

Revoir sa compréhension du sacerdoce. Je pense à la supercherie qu’on appelle la grâce de l’ordination qui fait croire au prêtre et au religieux qu’ils vivent dans une autre économie que celle de notre monde. Le discours de l’Église sur la grâce du célibat est devenu inaudible. Un ami prêtre me disait que ce qui était un signe de disponibilité s’est transformé en soupçon de perversion.

C’est la responsabilité de tous les membres de l’Église de faire en sorte que ce rapport ne soit jamais enterré et de ne cesser de réclamer à l’Église l’aggiornamento qui s’impose.