Alors que la question sur le suicide assisté revient dans l’actualité, on entend certains hommes politiques et des faiseurs d’opinion affirmer qu’il faut absolument dépasser la loi Claeys-Leonetti, que les sondages montrent que 90% des Français sont favorables à l’euthanasie et que la France est à la traîne de nombreux autres pays européens sur le sujet. Enfin, argument ultime : Qui a envie de finir sa vie dans un lit de souffrance dans la chambre sordide d’un hôpital anonyme ? Pas moi !

Je lis ces arguments et ma première réaction est de faire partie des 90% de Français. Mais le propre de la démarche intellectuelle est de complexifier le sujet.

Alors complexifions.

La loi Claeys-Leonetti a été votée en 2016 et elle n’est pas assez mise en pratique. N’est-il pas plus sage de commencer par appliquer la loi qui permet une sédation profonde avant de la juger insuffisante ?

Dans un de ses livres Marie de Hennezel raconte qu’elle anime des groupes de parole dans les Ehpad et que plus les personnes sont âgées plus elles sont opposées à l’euthanasie. Toutes les personnes que je connais qui travaillent en soins palliatifs font partie des 10% qui sont réservés à une évolution de la loi.

J’ai rencontré le président d’un établissement qui accueillait les malades qui étaient atteints du locked-in syndrome, cette maladie qui paralyse tous les muscles à l’exception de ceux qui contrôlent les yeux. Un sondage réalisé auprès de ceux qui étaient atteints de ce syndrome montre que 95% d’entre eux trouvent que leur vie vaut la peine d’être vécue.

Le geste létal franchit une barrière et une fois qu’elle est tombée, où placer la limite ? Depuis que la loi sur l’euthanasie a été adoptée en Belgique, elle n’a cessé d’étendre son champ d’application et l’encadrement posé par la législation n’est pas toujours respecté.

Enfin comment ne pas penser qu’une loi sur le suicide assisté finira inéluctablement par mettre la pression sur les vieillards et que l’euthanasie ne glisse progressivement de l’exception à la norme ?

Au fond de moi, je ne me sens pas farouchement opposé au suicide assisté, mais ces arguments me convainquent moi-même et je peux m’empêcher d’être agacé par le lobbying de ceux qui considèrent l’euthanasie comme une évolution inéluctable et un progrès dans le domaine des droits de l’homme.

Je me dis enfin que si un jour je devais décider de mettre fin à mes jours, je ne demanderais pas à la société de le faire à ma place !

En son temps la commission d’éthique de la Fédération protestante avait parlé d’exception d’euthanasie. Je me retrouve assez bien dans cette expression qui maintient l’interdit sans fermer la porte à des transgressions  dans des situations exceptionnelles.