Finalement, la loi contre le séparatisme a été transformée en projet de loi « confortant le respect des principes de la République ». Elle cherche à lutter contre les dérives religieuses lorsque ces dernières dégénèrent dans la violence.

Le plus grand danger qui menace notre société dans ce domaine est l’islamisme radical, mais nous avons un devoir de lucidité et regarder en face les dérives de notre propre tradition. À l’échelle de l’histoire, on peut se demander si le discours des créationnistes protestants – ils disent que le pétrole est un don de Dieu et qu’on peut le consommer sans modération car Dieu ne permettra que sa création soit détruite – n’est pas aussi dangereux que celui des islamistes qui rêvent de restaurer le califat. Paul Ricœur a dit qu’une doctrine devait s’appréhender par ce qu’elle avait de plus beau, mais aussi par les monstres qu’elle générait et par la résistance qu’elle opposait à ces derniers.

Adrien Candiard est un dominicain spécialiste du dialogue avec l’islam qui vit au Caire. Il vient d’écrire un petit livre sur le thème du fanatisme en religion[1]. Après avoir décrypté les fondements théologiques du salafisme, il souligne par un renversement paradoxal que le fanatisme n’est pas un excès de religion, mais un manque de théologie. Le fanatisme est le contraire de la foi car il a remplacé Dieu par une idéologie, ce qu’on appelle en théologie une idole. La vraie spiritualité nous invite à visiter la béance qui est en nous pour y inscrire un désir de Dieu alors que le fanatisme comble la béance par un discours bétonné et inattaquable sur le monde et sur Dieu.

Puisqu’on est toujours plus intelligent à plusieurs, je voudrais ajouter un argument supplémentaire issu de mes lectures bibliques. Un verset du Deutéronome dit : « Tout ce que je vous ordonne, vous veillerez à le mettre en pratique. Tu n’y ajouteras rien et tu n’en retrancheras rien » (Dt 13.1). On comprend la tentation de retrancher des éléments de la loi, mais pourquoi ne rien ajouter ? Les commentaires disent que ce commandement lutte contre la tentation de vouloir en faire toujours plus dans le domaine du religieux. Le religieux a une place, une place importante, mais pas toute la place. Il faut éviter qu’il cancérise tout l’espace au point de supplanter la sagesse la plus élémentaire.

[1] Adrien Candiard, Du fanatisme (Quand la religion est malade), Le Cerf, 2020, 96 p., 10 €.