Dans le second récit de création, la différence entre l’humain et les animaux recoupe une question de nombre : Dieu crée les girafes, les baleines et les pingouins, mais il crée le humain. Nous pouvons définir l’humain comme un animal qui a conscience de sa singularité. La conscience est l’affirmation du sujet comme être unique.
Dans le deuxième chapitre de la Genèse, la création de l’humain est décrite dans le verset qui dit : Le Seigneur Dieu forma l’humain de la poussière du sol ; il insuffla dans ses narines un souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. Plus tard dans le récit, les animaux seront aussi créés à partir de la poussière du sol, mais à l’humain seul Dieu insuffle le souffle de vie. Cette expression évoque ce qui est particulier à l’humain dans le monde animal. Ce mot en hébreu (nechamah) a une connotation éthique, il correspond à la conscience.
La différence entre l’humain et les animaux
Dans la suite du chapitre, la différence entre l’humain et les animaux recoupe une question de nombre : l’humain est créé être unique alors que les animaux sont créés espèce. Dieu crée les girafes, les baleines, les scarabées et les pingouins, mais il crée le humain. Nous pouvons ainsi définir l’humain comme un animal qui a conscience de sa singularité. Aussi proche que je sois de mes plus proches, je suis seul à être ce que je suis.
Dans une société humaine, lorsqu’un vieillard meurt et qu’un enfant naît, le solde n’est pas équilibré. C’est un être unique, un infini, qui part – c’est pourquoi les humains enterrent leurs défunts – et c’est un être unique, un infini, qui est accueilli.
Si je suis seul à être ce que je suis, la façon dont je me comporte n’est pas indifférente. L’humain est un animal qui pose un certain nombre de choix dans son existence – des choix importants et des choix moins importants – qui sont faits à partir de sa conscience.
Naissance de la Réforme
Nous avons l’habitude de marquer l’acte de naissance de la Réforme par l’affichage des 95 thèses sur les indulgences le 31 octobre 1517. Une autre date aurait pu être le 18 avril 1521. Ce jour-là, Luther est convoqué par le nouvel empereur de l’Empire romain germanique, Charles Quint, à une diète, c’est-à-dire une sorte d’assemblée générale des états de l’empire. Un sauf-conduit lui est accordé pour qu’il puisse s’y rendre sans risque. On lui reproche de vouloir diviser l’empire et l’Église avec ses écrits, et on lui intime l’ordre de se rétracter. Le réformateur demande vingt-quatre heures de réflexion. Au bout de ce délai, il fait une déclaration dans laquelle il affirme : « Je suis lié par les textes scripturaires que j’ai cités et ma conscience est captive des paroles de Dieu ; je ne puis ni ne veux me rétracter en rien, car il n’est ni sûr ni honnête d’agir contre sa propre conscience. Que Dieu me soit en aide. »
Suite à cette déclaration, Luther est mis au ban de l’empire, ce qui équivaut à une condamnation à mort. Il n’a plus aucune protection juridique et l’édit de Worms interdit de le loger, de le nourrir et lui parler, et ordonne qu’on le livre au bourreau.
Pour entendre l’importance de cette déclaration, il faut se représenter la situation. Luther est un petit moine d’un couvent secondaire. Il est convoqué devant l’empereur et les représentants du pape qui lui ordonnent de se rétracter pour ne pas diviser l’empire et là, il s’oppose à cette injonction au nom de sa conscience éclairée par la parole de Dieu.
En élevant sa conscience contre l’empereur et le pape, Luther marque une étape importante dans le mouvement qui conduit à la modernité.
La conscience et la Bible
Lorsque Luther oppose sa conscience aux autorités de son temps, il précise qu’elle est éclairée par la parole de Dieu. Sans une référence qui lui est extérieure, l’humain a tendance à se conformer à la pensée dominante de son temps et à ajuster sa conscience à ses désirs. Le panurgisme est une dérive qui menace tout le monde.
Dans une perspective protestante, c’est la fréquentation régulière de la Bible qui permet à l’humain d’éduquer sa conscience afin d’éclairer ses choix.
Une illustration
Pour terminer, une illustration. Christiane Singer relate sa rencontre avec un ami viennois de quatre-vingts ans qui avait participé à la résistance en Autriche. Il racontait que le jour où Hitler a tenu au Heldenplatz son fameux discours, toute la ville déferlait vers cette place. Lui, seul, jeune homme, montait en sens inverse la rue pour aller à une réunion de résistants. Seul à contre-courant de la foule, il se disait : « Mais tu ne peux pas avoir raison contre tous. Ce n’est pas possible. Tu ne peux être seul à avoir raison. » Et au fond de lui, une voix lui disait : « Mais oui, tu peux. » La voix de la conscience.
Production : Fondation Bersier
Texte : Antoine Nouis
Présentation : Gérard Rouzier