Dans une conférence sur la généalogie de Jésus dans l’Évangile de Matthieu, le théologien Antoine Nouis analyse l’inclusion de quatre femmes, Tamar, Rahab, Ruth et Bethsabée, dans une lignée patriarcale. Leur présence dans la généalogie, qui suit normalement une structure patrilinéaire, soulève d’importantes questions théologiques. Ces femmes, dont les vies sont marquées par des circonstances tragiques et souvent controversées, sont mises en évidence pour véhiculer les thèmes clés de la justice, de la grâce et du pardon dans le message de Jésus.
Dans son propos liminaire, Antoine Nouis aborde l’importance des généalogies dans les textes bibliques. Celles-ci ne sont pas simplement des documents historiques, mais elles reflètent le plan de Dieu dans l’histoire de l’humanité. Le théologien oppose cette approche à la vision philosophique de Dieu que l’on trouve dans la pensée grecque, où Dieu est défini par des attributs abstraits tels que l’omnipotence. En revanche, le Dieu biblique se révèle à travers des actions historiques, en particulier dans l’Ancien Testament et dans la généalogie de Jésus évoquée dans l’évangile de Matthieu.
La généalogie de Jésus est significative de l’inclusion de ces quatre femmes, qui représentent chacune un aspect différent de la grâce de Dieu. Tamar, une Cananéenne, est incluse malgré le fait que son histoire implique une tromperie et une situation familiale complexe. En mettant en avant Tamar, l’évangéliste Matthieu souligne que la justice n’est pas déterminée par l’origine ethnique mais par les actions d’une personne. De même, Rahab, une prostituée de Jéricho, est célébrée non pas pour sa profession, mais pour le courage dont elle a fait preuve en cachant les espions israélites, ce qui lui a valu une place dans l’histoire d’Israël.
Ruth, une veuve moabite, est une autre inclusion surprenante. Les Moabites étaient traditionnellement exclus de la société israélite, mais la loyauté de Ruth envers sa belle-mère Naomi et son mariage ultérieur avec Boaz démontrent que la grâce transcende les frontières nationales. Enfin, Bethsabée, identifiée uniquement comme « la femme d’Urie », rappelle aux lecteurs le grave péché de David, qui a commis l’adultère avec Bethsabée et organisé la mort de son mari. Cependant, son inclusion souligne le thème du pardon divin, puisque David est pardonné après s’être repenti.
À travers ces femmes, Matthieu introduit les thèmes essentiels du ministère de Jésus : la justice, où les étrangers et les personnes marginalisées incarnent la droiture ; la grâce, où la loi est surpassée par la miséricorde de Dieu ; et le pardon, où même les plus grands péchés peuvent être pardonnés. Ces thèmes ouvrent la voie à l’histoire de la vie et des enseignements de Jésus, en remettant en question les normes sociales et en montrant que la justice est une réalité.
Production : Fondation Bersier- Regards protestants
Remerciements : Antoine Nouis
Technique : Quentin Sondag