L’évangile du dimanche 15 septembre

Marc 8.27-35 – Le Christ et la croix

Introduction

Ce texte se situe à un tournant de l’évangile de Marc puisque c’est la première fois que Jésus est confessé comme Christ et que c’est aussi la première fois qu’il annonce sa passion, les deux affirmations étant intimement liées.

Ce récit si important est situé géographiquement à Césarée de Philippe, en pays non juif, près des sources du Jourdain. Symboliquement, cette localisation inscrit l’évangile en dehors de la terre d’Israël. Le pays de l’Évangile, c’est la croix.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Titre : Jean le baptiseur – Élie – Un des prophètes

Les trois figures proposées : Jean, Élie, un des prophètes sont très proches. Dans le dernier verset des bibles chrétiennes, le retour d’Élie précède le jour du Seigneur (Ml 3.23) et Jésus assimile Jean à Élie (Mc 9.13), et l’expression un des prophètes est une récapitulation du message des prophètes qui aussi associé à Élie. Ces trois figures ont en commun d’annoncer le messie sans l’être. Pierre sera le premier à confesser que Jésus n’est ni Jean, ni Élie, ni un des prophètes, mais le Christ.

Titre : Le disciple confessant est rabroué

Dans le parallèle de l’évangile de Matthieu, lorsque Pierre confesse que Jésus est le Christ, ce dernier lui dit : « Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux ! Moi, je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je construirai mon Église » (Mt 16.17-18). Chez Marc, aucune parole de reconnaissance, mais au contraire une parole d’avertissement : « Il les rabroua, pour qu’ils ne disent rien à personne à son sujet. »

Cette réaction nous étonne. Une explication se trouve dans les versets qui suivent lorsque Pierre rabroue à son tour Jésus qui vient d’annoncer sa passion. Elle montre qu’il est incapable d’intégrer toutes les conséquences de sa confession. S’il dit que Jésus est le Christ, il se trompe sur le type de messianité qu’endosse Jésus.

Pistes d’actualisation

1er thème : Toi, qui dis-tu que je suis ?

Les questions de Jésus conduisent à passer du « on » (Au dire des gens, qui suis-je ?) au « tu » (Pour vous qui suis-je ?). Cette question est posée à chacun et personne ne peut se cacher derrière la réponse de son voisin.

La première fois que les partisans de Luther ont été appelés Protestants c’est parce qu’ils ont émis une protestation à la diète de Spire qui disait : « Pour les choses qui concernent la gloire de Dieu, le bonheur et le salut des âmes, chacun paraîtra devant Dieu et lui rendra compte pour sa propre personne, sans pouvoir alléguer pour excuse des décisions prises à la majorité des suffrages. » Le croyant adulte est celui qui dit « je » sans se cacher derrière les autres.

Aujourd’hui qu’elle est ma réponse – la mienne, pas celle d’un autre – à la question de Jésus.

2e thème : La croix comme figure messianique

Si Jésus annonce sa passion juste après la confession de Pierre, c’est pour nous dire en quoi il est Christ, mot qui peut aussi se traduire par messie.

Nous trouvons dans le Premier Testament plusieurs représentations messianiques. On peut citer la figure de l’accomplissement royal, davidique ; la figure de Cyrus comme messie historique ; la figure, teintée d’apocalypse, du fils de l’homme de l’époque perse ; et enfin la figure du serviteur souffrant des prophètes de l’Exil.

En général, dans les évangiles, le modèle dominant est celui du messie royal qui restaurera Israël alors que Jésus se révélera plus dans la figure du serviteur souffrant. Tant qu’une ambiguïté demeure autour du mot Christ, il ne sert à rien de dire que Jésus est le Christ, c’est pourquoi il demande à ses disciples de se taire.

3e thème : Le satan et le refus de la croix

Jésus enseigne à ses disciples qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté et qu’il soit tué. Pourquoi le faut-il ? Il y a autant de réponses à cette question que de théologies. Dans ce récit, l’évangile n’y répond pas, mais affirme que celui refuse cette voie relève du Satan.

À trois reprises dans l’évangile de Marc, Jésus annonce la croix (aux chapitres 8,9 et 10) et à chaque fois, les disciples ne vont pas entendre ce qu’il dit. Ici, c’est Pierre qui le rabroue, ce qui lui vaut la réplique la plus cinglante faite à un humain dans l’évangile : « Va-t’en derrière moi, Satan ! lui dit-il. Tu ne penses pas comme Dieu, mais comme les humains. » Dans l’évangile, la meilleure description du Satan se trouve dans le récit de la tentation lorsqu’il propose à Jésus le pouvoir et la domination, ce qui est effectivement le contraire de la croix qui représente le jusqu’au bout du don de Dieu. Quand Pierre s’oppose à la croix, il est effectivement dans les catégories du Satan.

Cette réplique nous rappelle que toutes les théologies qui valorisent plus la gloire du Christ que la croix sont, selon ce passage, dans les catégories du Satan.

Une illustration : témoignage sur la théologie de la croix

François Cheng est un écrivain et poète français d’origine chinoise. Il raconte que lorsqu’il avait 8 ans, le Japon a déclenché une guerre contre son pays, la Chine. Il a découvert les horreurs de la guerre, les exécutions en masse, les concours de décapitation, les jeunes filles violées, les femmes enceintes éventrées… Il a pensé qu’aucune vérité en ce monde n’avait de sens si elle ne pouvait se tenir face à cette réalité. Il a erré dans sa quête spirituelle jusqu’au jour où il a rencontré le Christ qui, à la croix, a affronté le mal radical tout en montrant que l’amour restait le bien absolu.

Le mal est vertigineux, mais confesser que le crucifié est le Christ, c’est affirmer qu’il a traversé les abîmes les plus ténébreux.

Le livre de Jacques du dimanche 15 septembre

Jc 2.14-18 – La foi et les œuvres 

Le contexte – L’épître de Jacques

Le passage de ce dimanche est souvent considéré comme le cœur de l’épître, c’est en tout cas le passage qui a fait couler le plus d’encre à cause de son opposition à Paul qui a écrit dans l’épître aux Romains : L’être humain est justifié par la foi, en dehors des œuvres de la loi (Rm 3.28). 

C’est parce qu’elle ne mettait pas assez en valeur le thème de la justification par la foi seule que Luther a traité cette lettre d’épître de paille. Quelques remarques.

Ce à quoi s’oppose Jacques, c’est à une foi purement intérieure, qui ne se manifeste pas par un changement de vie. Comment ne pas lui donner raison ? Ce qu’il rejette c’est un christianisme bourgeois qui apporte un petit surplus de spiritualité à une vie bien conformiste, bien protégée.

Que dit le texte ? – La foi sans les œuvres 

À quoi servirait-il que quelqu’un dise avoir de la foi, s’il n’a pas d’œuvres ? Ce verset induit une certaine conception de la foi qui n’est pas qu’une question de croyance, mais de vie. 

Selon la compréhension biblique, la question : « Dieu existe-t-il ? » n’est pas pertinente. En effet, le verbe exister induit une inscription dans le temps et l’espace, or Dieu est créateur du temps et de l’espace, il est donc au-delà, ou en deçà ces dimensions. On ne dit pas que Dieu existe, mais que Dieu est. Je ne peux être en relation avec le Dieu qui est si cela ne rencontre pas ma façon d’être. 

Autrement dit, une fois qui ne s’incarne pas dans une existence est une foi sans consistance. Notre texte se demande d’une foi sans les œuvres si elle peut sauver. Pour entendre cette expression, il faut souligner la dualité du verbe sôzô qui veut dire à la fois sauver et guérir

  • Le salut, dans sa dimension juridique, relève du pardon de Dieu sur nos vies qui relève de son seul amour. 
  • Cette première compréhension du salut est indissociable de sa dimension clinique qui relève de la façon dont la foi vient se poser sur mes peurs et mes désirs, la façon dont elle change ma façon de vivre. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – La confession de foi

Lorsque Pierre déclare à Césarée de Philippe que Jésus est le Christ, c’est la première fois dans l’évangile qu’un homme confesse le cœur de la foi chrétienne. Mais aussitôt il se fait rabrouer par Jésus, puis quelques versets plus loin il se fait traiter de Satan quand il refuse la croix.

Il ne suffit pas de dire que Jésus est le Christ, il faut encore entendre ce que cette confession induit : Si quelqu’un veut me suivre, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive.

Être chrétien, ce n’est pas croire au Christ, c’est se charger de sa croix que nous pouvons interpréter comme le fait de vivre l’amour de Dieu et du prochain, quel qu’en soit le prix. 

Le passage du livre d’Esaïe du dimanche 15 septembre

https://youtu.be/cg-k_KHk3l8

Es 50.5-9 – Le serviteur humilié

Le contexte – Le deuxième Ésaïe 

La deuxième partie du livre d’Ésaïe évoque la période de l’exil qui a été pour le peuple un temps de désert et de retour vers Dieu. Ce fut aussi un temps de reconfiguration théologique à travers les chants du serviteur qui ne présente pas Dieu dans les catégories de la gloire et de la toute-puissance mais du serviteur.

Le premier chant parle d’un serviteur qui se manifeste dans l’attention au petit et au fragile et qui a été envoyé pour imposer l’équité sur la terre non par la violence et la force, mais en prenant soin de son peuple. 

Le deuxième chant raconte la vocation du serviteur appelé à dire la parole : « Il a rendu ma bouche semblable à une épée acérée… il a fait de moi une flèche aiguë » (49.2).

Le troisième chant du serviteur parle d’un serviteur qui est le témoin d’un Dieu qui refuse d’intervenir dans le monde du haut de son trône en rabrouant la mer et en desséchant les fleuves, mais qui a choisi de passer par ses serviteurs, même quand ces derniers sont persécutés. 

Que dit le texte ? – Le serviteur humilié et secouru

Le serviteur du Seigneur a été appelé à soutenir ceux qui sont épuisés, et pour cela il a été frappé, insulté et sujet aux crachats. Mais dans son épreuve, il a été soutenu et il n’a pas eu honte.

Le serviteur a livré son dos à ceux qui le frappaient. Il est le témoin d’un Dieu qui intervient dans le monde dans les catégories de la non-violence en ne se dérobant pas devant le mal.

Face aux épreuves, le texte dit que le serviteur a secouru : « j’ai rendu mon visage semblable à du granit, sachant que je n’aurais pas honte. » Il a pu résister à ceux qui lui arrachaient la barbe parce qu’il n’avait pas honte. L’assurance de sa propre justice donne du courage à celui qui est persécuté. Il sait d’où vient son secours, et cela lui donne le courage de la résistance.

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – L’annonce de la croix

L’évangile de ce dimanche est la confession de Pierre à Césarée de Philippe. C’est la première fois dans l’évangile qu’un homme confesse Jésus comme le messie qui doit venir. Aussitôt après cette annonce, Jésus précise les catégories de sa messianité en annonçant la croix. Pierre le prend dans un coin et le rabroue parce qu’il n’avait pas compris le sens de ces chants du serviteur.

À l’image du serviteur d’Ésaïe, Jésus est Christ non pas en étant plus fort que ses ennemis, mais étant livré à eux pour subir l’abaissement le plus total. Il est le témoin d’un Dieu qui n’est pas venu pour massacrer ses ennemis, mais pour mourir pour eux. 

Nous avons besoin de nous convertir tous les jours pour entendre le renversement théologique et spirituel de la théologie de la croix.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Antoine Nouis, Laurence Belling