L’évangile du dimanche 28 janvier

Marc 1.21-28 – L’autorité de Jésus

Introduction

Jésus commence son ministère public en appelant les premiers disciples, puis il se rend dans la synagogue de Capharnaüm où il fera son premier miracle qui prend des allures programmatiques.

Capharnaüm est une grande ville de Galilée où se trouve une garnison romaine et un bureau pour les collecteurs des taxes. Ce sera pour Jésus un des points fixes de son ministère en Galilée.

À Capharnaüm, Jésus entre dans la synagogue. La présence de la synagogue dans un monde païen est la marque de son évangile totalement immergé dans le monde sans être du monde.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

L’hospitalité de la parole

Jésus se mit à enseigner, et pourtant c’était un inconnu dans la communauté de Capharnaüm. Dans le Nouveau Testament, nous trouvons la belle coutume qui consiste, dans les synagogues, à offrir la parole à un étranger de passage. Une façon de lui dire : « Toi qui viens d’ailleurs, aurais-tu une parole pour nous ? » Dans les Actes, Paul profitera de cette hospitalité pour proclamer l’Évangile lorsqu’il visitera une nouvelle ville.

Cette coutume a un sens symbolique fort. La parole nous est extérieure, et parfois nous avons besoin de la recevoir d’un autre pour qu’elle nous parle.

Un homme divisé

Dans les évangiles, Jésus guérit des maladies et il chasse des démons. Les démons sont parfois perçus comme des entités spirituelles mauvaises, parfois comme la manifestation de désordre psychiatrique. Dans ce récit, nous pouvons dire une chose du démon, c’est qu’il parle à l’intérieur d’une personne qui n’est plus elle-même et qu’il est à la fois pluriel et singulier : « Tu es venu pour notre perte ? Je sais bien qui tu es : le Saint de Dieu ! » Comme s’il y avait plusieurs personnes en conflit dans le sujet.

Au niveau des symptômes, nous pouvons dire que l’homme est lié et que Jésus va le libérer par l’autorité de sa parole.

Pistes d’actualisation

L’autorité de Jésus

À son baptême, Jésus a reçu une parole d’adoption : Tu es mon fils bien-aimé, puis il est allé au désert pour éprouver son ministère. Il sort de cette expérience fondatrice avec une belle autorité puisque les pêcheurs se mettent se lèvent suite à son appel et que les démons se sentent menacés par sa parole.

Ce passage souligne l’autorité de Jésus. Le mot, exousia, signifie étymologiquement à partir de l’être. Jésus parle avec autorité, car ce qu’il dit vient de ses profondeurs, il habite sa parole, il incarne ce qu’il enseigne.

Une autre étymologie du mot autorité vient du latin augere qui signifie augmenter, faire grandir. L’autorité de l’Évangile permet au sujet de grandir, de devenir à son tour auteur de sa propre histoire.

Des démons confessants

La grande question qui traverse les évangiles est de savoir qui est Jésus. Un sage, un prophète, ou plus que ça ? La grande réponse se trouve dans la confession de Pierre à Césarée de Philippe : Tu es le Christ. La confession que Jésus est Christ est le fondement de la foi chrétienne.

Avant Pierre, cette confession a été faite par les démons. Les démons ont une acuité singulière sur la personne de Jésus, pourtant ce sont des démons. Ce texte nous rappelle qu’il peut y avoir des paroles justes qui peuvent être des paroles démoniaques.

L’important n’est pas tant de savoir ce que la parole dit que de pourquoi elle le dit. Il existe des paroles justes dites pour tromper, ce qui est une des définitions de la perversité.

Un adage du Talmud dit à propos du menteur que « Non seulement ce qu’il dit n’est pas vrai, mais le contraire de ce qu’il dit aussi. » La parole la plus juste est pervertie lorsqu’elle est par un menteur, or dans la Bible, les démons appartiennent au règne des ténèbres du prince des mensonges.

Le cri du démon

Nous pouvons souligner le caractère spectaculaire de l’épisode qui met en scène un démon qui crie qui est chassé en criant.

Je dois reconnaître que depuis une quarantaine d’années maintenant que je prêche l’Évangile, je n’ai jamais été dérangé par des démons qui m’ont interrompu. Est-ce parce qu’il n’y a plus de démons ou parce que ma prédication manque d’autorité ? Je n’ose répondre.

Trop souvent, nous prêchons un évangile gentil, raisonnable, qui ne fait pas trop de vagues. Je me souviens d’un chef d’une grande entreprise que j’interrogeai au soir de sa vie. Quand je lui ai demandé comment l’Église l’avait accompagné dans son métier il a répondu : « Elle ne m’a pas assez interpellé, elle n’a pas été assez exigeante avec moi. »

Une illustration : La sagesse des fous

L’homme possédé était-il fou ? Le propre des fous est qu’ils ont parfois une acuité particulière sur notre monde.

Dans un de ses livres, Emil Cioran raconte qu’il se promenait dans le parc d’un hôpital psychiatrique en 1937 lorsqu’il fût abordé par un fou qui lui disait qu’il était bien ici. À Cioran qui lui demandait s’il ne se sentait pas en prison, il a répondu : « Oui, mais ici on ne nous mobilise pas et on ne bombarde pas un asile d’aliénés. À votre place, je me ferais interner tout de suite. » Renseignements pris, il était bien fou. Cioran conclut : « Fou ou non, jamais personne ne m’aura donné conseil plus raisonnable. »

L’épître du dimanche 28 janvier

28.01.2024 : 1 Co 7.32-35 – Le célibat 

Le contexte – Une morale du détachement

La semaine dernière, nous avons lu les versets qui précèdent notre passage qui prêchaient une morale du détachement dans une perspective stoïcienne. La perspective du Royaume appelait à faire de la foi une priorité par rapport à tous nos attachements car le monde est appelé à passer. 

Si nous ne conservons que ce passage, alors il faudrait interdire aux chrétiens de se marier. C’est pourquoi nous devons élargir et notre focale et ne pas oublier que la première partie du chapitre est sur le mariage : Que le mari rende à sa femme ce qu’il lui doit ; de même la femme à son mari. Ce n’est pas la femme qui a autorité sur son propre corps, c’est son mari ; de même, ce n’est pas le mari qui a autorité sur son propre corps, c’est sa femme (1 Co 7.3-4).

Paul a un message pour les mariés et pour les célibataires.

Que dit le texte ? – Le temps se fait court

Étant lui-même célibataire, Paul développe les avantages du célibat. Celui qui n’a pas de conjoint peut se consacrer totalement au Seigneur.

Ce verset s’inscrit dans la veine de l’urgence. Il rappelle la parole de Jésus lorsqu’il déclare à propos des grandes persécutions : Quel malheur pour les femmes enceintes et pour celles qui allaiteront en ces jours-là ! (Mt 24.19). Dans les situations extrêmes, il vaut mieux ne pas avoir d’attachements humains.

Nous sommes bien dans la veine stoïcienne qui développe une morale héroïque. C’est très beau à entendre, mais nous pouvons interroger Paul est lui demander ce qu’il fait de ceux qui ne sont pas des héros, de ceux qui n’ont pas une vocation de célibat, de ceux qui ont entendu le verset qui dit qu’il n’est pas bon pour l’humain d’être seul. La seule réponse est-elle, comme il le dit un peu plus loin, que celui qui est débordé par la passion se marie !

Il manque à Paul une théologie du mariage un peu plus positive. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Paul et l’autorité de Jésus

En associant cet extrait de la première aux Corinthiens avec un récit de l’Évangile qui parle de l’autorité de Jésus, ceux qui ont choisi le lectionnaire laissent entendre que l’autorité repose sur le renoncement aux biens de ce monde. 

Ce choix a des arguments, mais il peut aussi être questionné et nous pouvons aussi entendre que les témoins de la grâce ne sont pas uniquement les héros de la morale de détachement, mais des hommes et des femmes qui vivent l’Évangile au sein des attachements et des contraintes de notre monde. L’Évangile ne s’adresse pas aux parfaits – ceux-là sont très bien chez les stoïciens – il est une parole de grâce que nous sommes invités à accueillir dans toutes nos situations de vie. Paul a aussi dit que la grâce de Dieu se révélait dans sa faiblesse.

Le texte du Premier Testament du dimanche 28 janvier

Dt 18.15-20 – Des prophètes pour corriger 

Le contexte – L’annonce de l’envoi de prophètes 

Les versets que nous avons lus s’inscrivent dans un chapitre qui prévient les pathologies religieuses que sont le sacrifice des enfants, la magie et la sorcellerie, la consultation des spirites et des médiums.

Pour répondre à ces déviances, le Seigneur continuera à parler à son peuple en lui envoyant des prophètes qui rappelleront les exigences de la fidélité et de la justice. 

Le temps des prophètes correspond à l’enfance du peuple, le temps qu’il intègre toutes les exigences de la Torah. Quand il se sera doté d’une assemblée de sage pour interpréter la parole de Dieu – dans l’histoire ce sera le sanhédrin – alors viendra l’arrêt de la prophétie car le peuple n’aura plus besoin d’une révélation spéciale pour entendre la parole de Dieu.

Que dit le texte ? – Dieu continue de parler

En hébreu, le mot prophète vient d’un verbe qui signifie venir ; le prophète est celui qui voit ce qui vient, qui est capable de faire venir la parole divine. André Neher disait que ce que dévoilait le prophète, ce n’est pas l’avenir mais l’absolu. Dans la pensée rabbinique, Abraham, Moïse ou Samuel étaient des prophètes au même titre que Élie, Jérémie ou Zacharie. Ils n’ont pas beaucoup parlé d’avenir mais ils ont su entendre et comprendre la parole de Dieu pour leur temps.

Une fois que la parole est donnée, chacun est responsable de la façon dont il écoute. La dignité de l’humain est qu’il est responsable devant Dieu de son écoute et de ses actes. 

Le passage se termine par la possibilité de faux prophètes qui disent parler au nom de Dieu, mais qui ne disent que ce que le peuple veut entendre. Il annonce qu’un jugement particulièrement sévère leur sera accordé, car ils auront détourné le peuple. Comme le dit l’épître de Jacques : « Ne soyez pas nombreux à devenir des maîtres, mes frères : vous le savez, nous recevrons un jugement plus sévère » (Jc 3.1).

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – L’enseignement de Jésus

Le passage de l’évangile insiste sur l’autorité de Jésus qui s’est imposée à ses interlocuteurs, car, dit le texte : il enseignait comme quelqu’un qui a de l’autorité, et non pas comme les scribes (Mc 1.22).

L’autorité ne vient pas tant des paroles qui sont dites que de la personne qui les dit. Jésus parlait avec autorité car il habitait sa parole, il vivait ce qu’il disait. Les gens sentaient en l’écoutant que ce qu’il disait était vrai.

Lorsque l’Évangile de Jean dit de Jésus qu’il est la Parole, il parle de cette vérité de Dieu qui était dans la personne de Jésus et qu’il communiquait dans ses propos.