28.08.2022 : Luc 14.1-14 – L’évangile au cours d’un repas

Les arts du repas

Introduction

Dans la séquence précédente, des pharisiens ont conseillé à Jésus de fuir car Hérode voulait le tuer. Dans le texte d’aujourd’hui, un autre pharisien l’invite à manger, mais on a l’impression que c’est pour le piéger. Il n’est pas invité pour lui-même, mais pour voir comment il réagit face à un hydropique.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Titre : Les repas chez Luc

Cela fait le quatrième repas de l’évangile de Luc. Jésus a déjà partagé la table de Lévi le collecteur de taxes, ce qui lui a donné l’occasion de préciser sa mission (Lc 5.29-39). Il a répondu à l’invitation de deux pharisiens : Simon chez qui il a accueilli l’offrande d’une femme pécheresse (Lc 7.36-50), et il a parlé de l’amour, à une autre occasion, il a dénoncé l’hypocrisie des religieux (Lc 11.37-54). À tous ces repas, nous pouvons ajouter la multiplication des pains et le repas pascal qu’il partagera avec ses disciples. Dans le troisième évangile, Jésus a annoncé le royaume à l’occasion des rassemblements de la vie quotidienne.

Titre : L’hydropique

L’hydropisie est une maladie qui se manifeste par des gonflements. Un enseignement de la tradition rabbinique dit que l’homme est composé de sang et d’eau. S’il est vertueux, les deux sont en équilibre ; s’il se laisse aller au péché, soit l’eau domine et il devient hydropique, soit c’est le sang et il devient lépreux. Comme souvent, la maladie est comprise comme une conséquence du péché.

Le texte dit que les pharisiens observent Jésus lorsqu’on a placé un hydropique en face de lui. Le malade n’est pas un sujet, c’est un objet qui est placé là pour piéger Jésus.

Pistes d’actualisation

1er thème : Le sabbat

Le sabbat est un marqueur identitaire très fort dans le judaïsme. C’est le commandement qui est répété le plus grand nombre de fois dans le livre de l’Exode. La tradition orale disait qu’on devait soigner un humain s’il était en danger de mort, mais que si ce n’était pas le cas il fallait attendre la fin du sabbat.

En guérissant le jour du sabbat, Jésus transgresse cette interprétation. Dans les évangiles, plus de la moitié des guérisons sont faites sont un jour de sabbat, ce qui veut dire que Jésus ne considère pas le sabbat comme un jour quelconque – si c’était le cas, le septième des guérisons aurait lieu ce jour-là – mais que le fait de guérir était une bonne façon de vivre le sabbat. Le sabbat comme jour de grâce, un jour privilégié pour guérir, pour sauver et libérer.

2e thème : Choisir la dernière place

Dans les repas, il y a ceux qui se mettent devant pour qu’on les voit, et ceux qui acceptent de prendre la dernière place pour laisser les autre dans la lumière.

L’humilité dans la Bible n’est pas une invitation à se diminuer, mais à élever les autres. Le Père de l’Église Dorothée de Gaza a écrit en pensant à la même origine entre les mots humilité et humus : « Le bâtisseur doit poser chaque pierre sur du mortier, car s’il mettait les pierres les unes sur les autres sans mortier, elles se disjoindraient et la maison tomberait. Le mortier, c’est l’humilité, car il est fait avec la terre, que tous ont sous les pieds. Une vertu sans humilité n’est pas une vertu. »

3e thème : Logique de l’échange ou de la générosité

La coutume qui veut qu’on ne partage le repas qu’avec ceux de son groupe s’inscrit dans la logique de l’échange : « Je t’invite parce qu’on appartient au même monde et que tu m’inviteras. »

Jésus appelle à une autre logique : « Invite ceux qui ne te rendront pas ». À la logique de la réciprocité, il oppose la logique de la générosité comme il l’a dit dans le sermon dans la plaine : Donnez, et l’on vous donnera ; on versera dans la grande poche de votre vêtement une bonne mesure, serrée, secouée et débordante ; car c’est avec la mesure à laquelle vous mesurez qu’on mesurera pour vous en retour (Lc 6.38).

Une illustration : Jésus et les repas

Dans l’antiquité, le repas est un événement social et un marqueur identitaire. On mange avec ceux de son groupe. Le repas trace les limites, les frontières, du groupe auquel on adhère. Dans un premier temps on a le sentiment que Jésus conteste ce principe. Dans une deuxième lecture, on peut entendre que Jésus adhère à cette compréhension, mais qu’il affirme que ceux de son groupe, ce sont les malades, les pauvres, les estropiés, les infirmes et les aveugles.

Nous retrouvons le renversement de la parabole du jugement dernier qui dit que Jésus est dans le malade, l’affamé, le prisonnier et l’indigent.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis