Le texte de l’évangile de Jean du 15 juin (Jean 16, 12-15)
Une théologie de l’Esprit
Introduction
Dans les calendriers liturgiques, le dimanche qui suit la Pentecôte est celui de la Trinité dans les Églises occidentales. Il commence le temps de l’Église appelé dans l’Église anglicane après la Trinité.
À la Pentecôte, les disciples ont reçu l’esprit, mais qui est cet esprit, comment le comprendre ? C’est le thème abordé par l’évangile de ce jour.
Points d’exégèse
Attention sur deux points.
Croyable disponible
J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez le porter maintenant. Il y a des choses que Jésus ne peut pas dire parce que les disciples ne peuvent l’entendre. Nous avons déjà souligné l’incapacité de disciples à entendre les annonces de la croix (Lc 9.45, 18.34).
Le philosophe Paul Ricœur disait que chaque époque avait son croyable disponible, ce qui peut être cru et ce qui ne peut pas l’être. Pour les disciples, que le Christ de Dieu soit crucifié n’appartenait de leur croyable disponible, c’était pour eux in-croyable. C’est l’Esprit qui va le leur expliquer.
Lui me glorifiera
Dans la Bible, la gloire d’une personne, c’est son être le plus profond. Dans le quatrième évangile, c’est à la croix que le Christ est glorifié, quand le grain tombe en terre et qu’il meurt (12.23-24).
On a l’habitude d’opposer la théologie de la gloire et la théologie de la croix, mais les deux se superposent. C’est à la croix que Jésus manifeste pleinement ce qu’il est.
Pistes d’actualisation
1er thème : Il vous conduira dans toute la vérité
La vérité de l’Évangile n’est pas une connaissance ni une théorie, c’est une marche. Quand Jésus dit qu’il est le chemin, la vérité et la vie, il nous rappelle que la vérité de l’Évangile est chemin.
Toute la vérité, c’est la vérité de Dieu, mais c’est aussi notre vérité, la vérité de notre vie. Lorsque Paul raconte sa découverte du Christ dans l’épître aux Galates, il dit : Quand il a plu à Dieu, qui m’a mis à part depuis le ventre de ma mère et qui m’a appelé par sa grâce de révéler en moi son Fils (Ga 1.15). Quand le Christ s’est révélé à lui, il a compris que Dieu l’accompagnait depuis le commencement de son histoire, il a découvert sa vérité profonde, la véritable habitation de sa vie.
2e thème : Il vous annonceras ce qui est à venir
La vérité de l’Esprit est qu’il glorifie le Christ, il dit le plus profond de sa vérité. À ses disciples, le Christ a dit deux choses : ils seront détestés et persécutés (15.18,20), et ils ne seront pas abandonnés.
Jésus n’a pas triché avec ses disciples, notre monde est tragique, l’actualité nous le dit tous les matins, mais il dit aussi que dans les fractures et les angoisses de notre monde, l’Esprit nous assure de la présence de Dieu.
Comme le disait encore Paul, nous sommes persécutés, mais non pas abandonnés ; abattus, mais non pas perdus(2 Co 4.9).
3e thème : La phénoménologie de l’Esprit
Dans la Bible, il est difficile, sinon impossible, de parler de l’Esprit en tant que tel. Jésus a dit dans son dialogue avec Nicodème : Le vent souffle où il veut ; tu l’entends, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va (Jn 3.8). Tu sais qu’il existe, mais tu ne peux l’attraper : on ne peut enfermer le vent dans une boîte.
Si nous pouvons difficilement dire l’être de l’Esprit, nous pouvons dire ce qu’il fait : il conduit dans la vérité et il glorifie le Christ, c’est-à-dire qu’il dit qui il est. Il est fondamentalement christologique, il n’apporte pas une connaissance supplémentaire sur Dieu, mais une meilleure connaissance du Christ.
Une illustration : La Trinité
Une énigme nous permettra d’entrer dans la compréhension trinitaire : Entre un père et un fils, qui est le plus âgé des deux ?
- La question paraît stupide : le père est toujours plus âgé que son enfant car il n’a pas pu engendrer avant d’avoir un certain âge.
- Mais on peut aussi dire que le père n’est pas plus âgé que son fils car il n’est devenu père qu’avec son enfant. Avant la naissance de ce dernier, il était un homme mais pas encore un père.
- Il est même possible de dire que l’enfant est plus âgé que le père car sa conception est antérieure à la conscience que le père a de sa paternité.
Si c’est le père qui fait l’enfant, c’est aussi et en même temps l’enfant qui fait le père ! Il en est de même dans la Trinité, chacune des trois personnes ne peut se comprendre en dehors de sa relation avec les deux autres.
Le texte du livre des Actes du 16 juin (Romains 5. 1-5)
La paix avec Dieu
Le contexte – L’épître aux Romains
L’épître aux Romains est la plus théologique de toutes les lettres de Paul. Il commence dans les premiers chapitres par poser la grande affirmation de la justification par la foi, puis il décline les conséquences de ce principe dans les différents domaines de la foi.
Après avoir montré qu’on le trouve déjà dans le Premier Testament puisqu’il est au cœur de la foi d’Abraham, Paul montre qu’il met une assurance au cœur du disciple qui lui permet de tenir bon dans les épreuves.
Que dit le texte ? – Vivre la justification
Luther disait de la justification qu’elle était extra nos, en dehors de nous. Paul précise que si la justification ne dépend pas de nous, alors nous pouvons être en paix avec Dieu. Si la justification venait de nous, elle dépendrait de nos actes de justice et nous serions sous la menace d’une chute suite à une faute ou une erreur, mais comme tout vient de Dieu, nous pouvons être assuré de notre salut d’autant que son amour est un acte qui a été posé comme le dit la suite : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs.
Paul précise que cette assurance nous permet de tenir bon dans la détresse selon un de ces enchaînements dont il a le secret : la détresse produit l’endurance qui produit la fidélité qui produit l’espérance. Il est difficile pour nous d’entendre que nous pouvons être fiers de nos épreuves, c’est pourtant le message des évangiles si on se souvient de la dernière béatitude qui dit : Heureux êtes-vous lorsqu’on vous insulte, qu’on vous persécute et qu’on répand faussement sur vous toutes sortes de méchancetés, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez transportés d’allégresse, parce que votre récompense est grande dans les cieux ; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés (Mt 5.11-12).
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – L’Esprit de vérité
Avant de quitter les siens, Jésus leur a promis l’esprit de vérité qui les conduira dans toute la vérité. Cette vérité est celle de l’amour de Dieu et du regard inconditionnellement bienveillant qu’il pose sur nos existences.
Dans l’évangile, la vérité a un nom, Jésus de Nazareth. L’Esprit nous permet d’accéder à cette vérité : notre vie n’est pas une bulle de hasard dans un océan de nécessité, elle est précédée du désir de Dieu : comme le dit joliment le maître hassidique rabbi Nahman de Bratslav : « Le jour de ta naissance, c’est le jour où Dieu a décidé qu’il ne pouvait plus se passer de toi. » Elle est accompagnée de la bienveillance de Dieu et elle s’achèvera dans l’amour de Dieu. Si nous restons enracinés dans cette vérité tout le reste relève du secondaire et comme le dit l’apôtre, nous pouvons aller jusqu’à mettre notre fierté dans les détresses que nous subissons.
Le texte des Proverbes du 15 juin (Proverbes 8.22-31)
La sagesse à l’origine du monde
Le contexte – Le livre des Proverbes
Le livre des Proverbes est un discours sur la sagesse, laquelle n’est pas simplement une liste de quelques conseils de bon comportement, mais évoque la connaissance de toute chose. À propos du roi Salomon à qui est attribué le livre et qui est présenté comme un maître de sagesse, un commentaire dit qu’il savait parler des merveilles de la nature, il connaissait la sagesse des arbres, des quadrupèdes, des oiseaux, des reptiles et des poissons. Il avait en outre une profonde connaissance de la psychologie et de la morale. La sagesse évoque la connaissance, le discernement et le juste usage des biens de ce monde.
Le passage de ce dimanche en vient à personnaliser la sagesse en affirmant qu’elle a été mise au monde avant la création du monde. Un commentaire rabbinique dit que Dieu a créé le monde pour donner un écrin à sa Torah. Dans la même veine, ce passage affirme que la sagesse est antérieure à tout ce qui a été créé.
Que dit le texte ? – Au commencement… la sagesse
Cette séquence décrit avec lyrisme les origines de la sagesse qui est antérieure à la création du monde. Cette description renvoie à ce que le prologue du quatrième évangile dit de la Parole : Elle était au commencement auprès de Dieu. Tout est venu à l’existence par elle, et rien n’est venu à l’existence sans elle (Jn 1.2-3). En cela la sagesse dans la pensée hébraïque se rapproche du logos dans la pensée stoïcienne est le Principe suprême et premier du monde, de la pensée et de l’éthique.
D’autres interprétations ont rapproché la sagesse de la troisième personne de la Trinité, voire l’ont considérée comme la quatrième personne d’une sorte de quaternité. Il y a une part d’anachronisme à vouloir insérer la sagesse dans la Trinité, mais nous devons entendre qu’elle est plus qu’une qualité de Dieu, elle relève de son être qui se révèle.
Le dernier verset de notre passage dit que la sagesse a trouvé ses délices parmi les humains, ce qui souligne l’importance de sa place dans la création. Quand l’humain agit selon la sagesse, il accomplit la raison d’être de la création.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – L’Esprit de vérité
Lorsque Jésus promet l’Esprit à ses disciples, il précise qu’il les conduira dans toute la vérité. La notion de vérité fait écho à ce que le livre des Proverbes dit de la sagesse. Il ne s’agit pas simplement d’une connaissance, mais d’une compréhension profonde de ce qui fonde notre vie et la façon dont nous devons nous comporter. En cela nous pouvons presque assimiler ce que le livre des Proverbes dit de la sagesse avec ce que l’Évangile dit de l’Esprit.
L’épître aux Romains introduit sa partie pratique en nous appelant au renouvellement de notre intelligence. L’Esprit et la sagesse nous parlent de l’intelligence de Dieu.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Antoine Nouis, Christine Pedotti