Les sources non chrétiennes

Les sources documentaires les plus importantes, ce sont les Évangiles ; les quatre Évangiles du Nouveau Testament. Mais contrairement à ce qu’on dit souvent, il y en a d’autres. Il y a d’abord des sources qui sont des sources non chrétiennes. Quand on va chercher du côté des historiens gréco-romains (Tacite, Suétone), là on ne retrouve pas grand-chose. On en a tiré l’idée qu’en fait Jésus n’avait pas existé. Mais non, c’est une absurdité. En fait, les historiens greco-romains que racontent-ils ? Ils racontent l’histoire des généraux. Ils racontent les campagnes militaires ou les décisions politiques des empereurs. C’est la grande histoire qui les intéresse. Mais la mort d’un obscur rabbin, dans une obscure province de l’empire romain n’avait pas de quoi les intéresser. Ils commencent à en parler à partir de 110, 120 quand le christianisme commence à faire parler de lui et que ces petits groupements sectaires inquiètent l’opinion publique. Alors ils en parlent. Donc les historiens gréco-romains, on peut les oublier.

Le témoignage de Flavius Josèphe

Par contre, on a un témoignage exceptionnel d’un historien juif appelé Flavius Josèphe, qui écrit une œuvre monumentale : « Les antiquités juives » entre 93 et 95 environ, à la fin du premier siècle. Et dans cette œuvre, qui passe en revue toute l’histoire du peuple juif jusqu’à la fin du premier siècle, figure Jésus. Flavius Josèphe parle de Jean le Baptiste et il parle de Jésus (petite notice, une dizaine de lignes, tout juste).

Une petite notice dans laquelle il parle de Jésus de manière sympathique, de manière respectueuse, étonnamment, comme d’un homme sage, d’un faiseur de prodiges, d’un ami de ceux qui cherchent la vérité. Et il dit bien que le procurateur Ponce Pilate l’a condamné à la croix. Mais il ajoute d’ailleurs que la race de ceux qui croyaient en lui perdure jusqu’à ce jour (fin du premier siècle). Donc on a là un avis d’un témoin, indirect bien sûr, mais d’un témoin que l’on ne peut pas taxer de partialité ni, en tout cas, d’avoir un intérêt quelconque. Il le cite parce que c’est, pour lui, une figure importante du judaïsme. Il y a, effectivement, les sources de pierre, les sources archéologiques. 

Savez-vous que les recherches qui ont été faites par les archéologues israéliens, ces trente dernières années, ont été, à cet égard là, très fécondes Non, rassurez-vous, la maison de Jésus on ne l’a pas retrouvée.. Ce sont des témoignages précieux du milieu dans lequel vivait Jésus. Je vous en donne deux exemples : On a retrouvé des fondements de synagogues du 1er siècle. Et l’on pensait, jusque-là, que les synagogues comme bâtiment n’avaient surgi qu’après 70 (la fin du temple de Jérusalem) et, qu’au temps de Jésus, c’était des assemblées en plein air ou dans des maisons privées. On sait qu’il y avait des synagogues et quand l’Évangile dit que Jésus entre dans une synagogue, c’est un bâtiment à cet effet.

Une autre découverte : les mikvaot. Un mikvé est un bassin en pierre, d’ablutions rituelles, où les juifs avaient l’habitude de se tremper pour se purifier de leurs péchés ou de leur impureté. On a retrouvé à profusion ces mikvaot, non seulement sur le site de Qumrân dans le désert de Juda, mais aussi aux abords du temple de Jérusalem et dans les synagogues locales, en Galilée par exemple, et même dans des maisons privées. Et ça, c’est très important. Pourquoi ? Parce que cela nous fait comprendre que, dans la piété juive quotidienne, les ablutions rituelles (retrouver sa pureté) jouaient un rôle fondamental beaucoup plus important qu’on ne le pensait. Et du coup, quand Jésus va « congédier » la pureté rituelle, en disant que c’est la pureté du cœur, la pureté morale qui importe   il attaque de front, il critique de front ce qui était un rite quotidien pour le judaïsme.

La théorie sur la non-existence de Jésus

La théorie sur la non-existence de Jésus est une absurdité complète, parce que nous n’avons pas de personnage de l’Antiquité sur lequel nous disposions d’autant de sources anciennes, aussi nombreuses, aussi variées et aussi précoces. Parce que ce qu’on peut ajouter aux évangiles, c’est le témoignage de l’apôtre Paul. Paul écrit ses premières épîtres à partir de l’an 50. C’est 20 ans après la mort de Jésus. Mais, pour l’Antiquité, 20 ans entre la mort du personnage et les premiers écrits qui le concernent, c’est extraordinairement bref. On ne trouve qu’un autre exemple : c’est Alexandre le Grand, mais avec un nombre de sources beaucoup moins important. Donc nous sommes mieux renseignés sur Jésus de Nazareth que sur n’importe quel autre personnage de l’Antiquité. Donc, douter de son existence nous ferait douter de tous les personnages, de tous les empereurs dont parlent nos livres d’histoire. Non, la question n’est pas de savoir si Jeshua a vécu. La question c’est de savoir qui fut Jésus.

Les Évangiles apocryphes

Je peux ajouter que, pour les sources, nous avons les évangiles apocryphes, qui sont des évangiles qui n’ont pas été retenus au moment où le Nouveau Testament a été forgé, cette collection de 27 écrits que l’Église ancienne, vers la fin du 2ème siècle, décide de constituer comme son corps doctrinal. Des évangiles n’ont pas été retenus : l’évangile de Thomas, l’évangile de Marie, l’évangile de Judas pour citer trois évangiles qui datent de 140, 150, donc assez anciens tout de même (milieu du 2ème siècle). Et puis de nombreux autres évangiles, ou Actes de Paul, ou Actes de Pierre, ou Actes de Thomas, ou Actes de Jean,  une profusion d’écrits dont certains ont été conservés (d’autres pas), le plus souvent d’ailleurs conservés dans les sables d’Égypte, dont certains n’ont été déchiffrés ou traduits en français que très récemment.

Ces écrits, bien entendu, sont plus jeunes. Je dirais que leur fiabilité historique est très fragmentaire. Parce que leur but, au milieu du 2ème, 3ème, 4ème ou bien 5ème siècle n’est pas du tout de faire de l’histoire. Absolument pas. Leur but, c’est de donner leur version de l’enseignement de Jésus, qui constitue la doctrine de ces communautés marginales, de ces spiritualités marginales qui se sont nourries de ces écrits, qui constituaient un peu leur catéchisme. Ils les ont écrits comme un catéchisme mais pas comme un livre d’histoire. Ce n’étaient pas des chroniqueurs. Ce que l’on découvre, en particulier dans l’évangile de Thomas, le plus ancien des évangiles extra-canoniques, c’est quelques pépites qui ont, si j’ose dire, échappé aux évangiles du Nouveau Testament.  Donc l’utilisation, pour la connaissance de Jésus, elle est secondaire mais peut-être précieuse, ici ou là, sur certains détails.

Coproduction : Fondation Bersier – Regards protestants / Réforme – reforme.net