Prédication de James Woody au temple de la rue de Maguelone (Montpellier) dimanche 12 novembre 2023 sur Apocalypse 1/1-19
« Chers frères et sœurs, il arrive que des commentateurs de l’actualité disent que nous vivons des temps apocalyptiques. Le contexte social, la situation internationale font que, depuis de longs mois, il semble que nous soyons dans un moment proprement apocalyptique. D’une manière paradoxale, je dirais que ce constat erroné est juste. Ce constat est erroné parce que le terme « apocalyptique » est régulièrement employé à tort. Il est employé pour décrire la fin du monde imminente, ou l’explosion probable de la société, un conflit généralisé de tous contre tous. Or l’apocalypse, ce n’est pas cela. Certes, dans le livre de l’Apocalypse il y a des récits d’une violence digne de ce que nous connaissons. Il y a des passions haineuses qui se mêlent à l’histoire humaine, mais il y a aussi des visions heureuses, empreintes de paix, qui disent un au-delà du mal et du malheur. Le livre de l’Apocalypse, d’ailleurs, ne se termine ni dans un bain de sang ni sur une planète laissée exsangue, mais par une vision lumineuse pour ne pas dire paradisiaque. De plus, le terme même d’apocalypse ne signifie pas « catastrophe » comme on le pense parfois. Apokaluptein, en grec, signifie « révéler ». L’apocalypse, c’est la révélation. Et c’est la raison pour laquelle l’utilisation erronée du mot « apocalypse » est juste. Ceux qui veulent exprimer le caractère épouvantable de la période que nous vivons, qui semble conduire inéluctablement à la catastrophe, parlent d’apocalypse et en ce sens ils se trompent. Toutefois la période que nous vivons est apocalyptique, en effet, parce qu’elle est révélatrice. Elle est révélatrice de l’être profond des gens qui, face à des situations qui requiert un supplément d’humanité, révèlent le fond de leur personnalité. Pour ce qui concerne notre texte biblique, il est révélateur de ce que Dieu construit en chacun de nous, dans un contexte, celui de la fin du 1er siècle de notre ère, qui n’est peut-être pas très éloigné du nôtre. Toujours est-il que ce premier chapitre nous révèle deux aspects essentiels de la vie chrétienne : un aspect concerne le rapport au temps, d’une part, et un aspect qui a trait à la question de la transmission, d’autre part.
Distinguer l’important de l’urgent
Lu dans notre langue française, ce premier chapitre de l’Apocalypse peut nous donner l’impression que nous sommes bien à la fin des temps. Au verset 1 on parle de ce qui doit arriver bientôt et au verset 3 il est question du temps qui est proche. Tout cela confère un caractère d’urgence à ce texte et à ce qu’il raconte. Cela peut donner le sentiment que le dernier livre de la Bible déclare imminent l’enchaînement des épisodes à venir et la fin du monde qui semble aller avec. Mais aussitôt après, il y a une béatitude qui déclare : « heureux celui qui lit et ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce qui s’y trouve. » Et là, le temps semble ralentir, presque s’arrêter. Au verset 1 il y a ce qui doit arriver bientôt, on pourrait traduire par rapidement. Et au verset 3, il est question de prendre le temps de lire, d’écouter, de garder les paroles de la prophétie. Au verset suivant il est question de celui qui était, qui est et qui vient. Là encore, le temps s’étire. Et il s’étire encore plus au verset 11 où il est demandé à la personne qui regarde d’écrire ce qu’elle voit dans un livre et de l’envoyer aux Églises. Puis, à nouveau, il est question d’écrire ce qu’il a vu, ce qui est, ce qui va arriver après cela (au verset 19). L’écriture de ce chapitre révèle que le croyant est appelé à faire la distinction entre l’urgent et l’important. Oui, il y a des choses qui vont arriver rapidement, mais ce qui compte, vraiment, c’est ce qui est important. Au lieu de céder à l’urgence, ce chapitre nous appelle à nous consacrer à ce qui est important, à prendre le temps de lire, d’écouter, autrement dit de nous instruire. Prendre le temps de réfléchir avant d’agir. Cela pourrait passer pour une évidence si l’actualité ne nous montrait pas que le monde fonctionne selon l’urgence qui consiste à s’exprimer au plus vite, à réagir au plus vite, et non à se consacrer à ce qui est important. Ou, plus exactement, ce qui est manifestement important, c’est de traiter toutes les urgences, c’est de répondre aux sollicitations et à la pression de l’urgence. Il faut réagir, vite, très vite ; il faut répondre, vite, très vite – selon les critères actuels. De ce point de vue, observer le temps présent est révélateur d’une pression de l’urgence qui ne nous permet pas de prendre le temps nécessaire pour nous instruire et pour penser sérieusement la suite. Les communiqués […]