Prédication de James Woody au temple de la rue de Maguelone (Montpellier) dimanche 25 février 2024 Texte de la prédication et enregistrement du culte : https://espritdeliberte.leswoody.net/…

« Chers frères et sœurs, ce passage biblique est à l’articulation des deux grandes parties de l’évangile de Marc, la première étant consacrée à l’appel des disciples, la deuxième étant consacrée à la fabrication des apôtres, la formation de croyants qui seront capable de rendre compte de leur foi et de susciter de nouveaux disciples à leur tour. Aussi, cette petite randonnée est-elle l’occasion, pour l’évangéliste, de mettre en scène le point de basculement qui nous fait passer de disciples à apôtre, d’utilisateur de la religion à acteur de la foi. Cette transition s’opère en quatre temps que nous allons passer en revue pour nous donner les moyens d’entrer nous-mêmes dans cette dynamique de la foi chrétienne.

Le sentiment religieux

La première étape est le sentiment religieux. Ce sentiment religieux s’exprime par deux aspects contradictoires, deux forces opposées que vivent les disciples qui sont avec Jésus et que vivent toutes les personnes qui font une expérience du sacré. D’une part il y a une attirance irrépressible et, d’autre part, une peur panique. Pierre déclare : « il est bon que nous soyons ici » et il veut installer des tentes pour que Moïse, Élie et Jésus restent sur place et les disciples avec eux. On bâtit un temple pour avoir un endroit où il sera possible de fixer la présence du sacré, pour maintenir les choses en l’état, pour conserver la ferveur religieuse qui est tellement positive. D’un autre côté, les disciples sont devenus effrayés. Ils n’ont pas simplement peur, selon le texte grec, ils ne sont pas seulement saisis d’une phobie, mais d’une « ekphobie », une peur qui sort de l’ordinaire, qui va au-delà de la peur. Ce sentiment religieux qui correspond à l’expérience véritable du sacré, est analogue à ce que vivent les amoureux qui sont portés irrésistiblement l’un vers l’autre et qui, en même temps, sont saisis d’une crainte extraordinaire, qui ne savent pas comment se présenter à l’être aimé, un être aimé qui est comme surdimensionné pour eux. Il y a à la fois le désir vous de se jeter dans les bras de l’autre, et une sorte de peur panique devant ce vertige d’une réalité aussi grande que l’amour qui bouleverse tout.

La métamorphose

Cela nous conduit au deuxième temps de cette randonnée de la foi : la métamorphose. On donne souvent à ce texte le titre « transfiguration ». Le terme grec qui est employé est « métamorphose ». Pourquoi ne pas l’employer puisque nous l’avons dans notre vocabulaire ? Nous pourrions penser aux Métamorphoses d’Ovide, mais restons-en à notre récit qui est suffisamment riche d’enseignement et qui nous dit comment nos vie se trouvent métamorphosées par l’expérience religieuse. D’une part cela se fait en prenant de la hauteur. La haute Montagne dont il est question ici ne devait pas être beaucoup plus haute que le Pic Saint Loup, au pire le Mont Aigoual. Nous savons que, depuis le sommet, nous posons un regard bien différent sur la vie. Nos lieux de vie prennent la taille d’une maquette et il en va de même pour tout ce qu’ils contiennent : les difficultés du quotidien, les détails matériels à régler, les agendas à organiser, les tâches ménagères, les travaux à rendre etc. « Prendre de la hauteur » est une expression qui est passée dans le langage courant pour dire que nous nous concentrons sur ce qui a vraiment de la valeur, ce qui est encore consistant quand on observe le monde depuis en haut. C’est une façon de relativiser et donc de hiérarchiser. Prendre de la hauteur est accentué par ce que les traducteurs expriment à travers « il les conduisit à l’écart ». En grec, anaphéro c’est porter du bas vers le haut. Jésus leur fait prendre de la hauteur qui est une hauteur de vue rendue possible parce qu’on est élevé par la fréquentation de cette montagne qui symbolise le lieu de Dieu. C’est sur la montagne que Dieu s’est révélé à Moïse, puis à Elie, et maintenant aux disciples. Nous ne montons pas sur la montagne, nous sommes portés sur la montagne, nous sommes élevés sur la montagne, pour autant que nous acceptions de l’être, ce qui est déjà un mouvement de foi. Et alors ça change. Notre regard change. Ce que nous voyons est purifié, comme l’est Jésus dans le regard de ses disciples. Notre regard est purifié des avanies, des injustices, des trahisons, de l’égocentrisme, de toutes ces choses de la vie qui déforment notre vision des choses et qui altèrent notre jugement. Notre regard est purifié de tout ce qui provoque du ressentiment et qui nous pousse à la vengeance plutôt qu’à la justice, de tout ce qui nous retient de voir encore la beauté du monde et des êtres qui le peuplent. Dans ce texte, les disciples sont en (…)