Août 1683 : Louis XIV introduit en Alsace le principe du Simultaneum. Autrement dit, les protestants sont obligés de partager leur église avec les catholiques en leur cédant le chœur de l’édifice. S’ensuivent des siècles de tensions récurrentes entre les deux communautés religieuses. Un héritage historique qu’Elisabeth Muths appréhende pour la première fois en septembre 2015, lorsqu’elle devient pasteure de la paroisse luthérienne de Dettwiller dotée d’une charmante église villageoise simultanée (1). « Le passif du Simultaneum est lourd car il ne peut, de facto, engendrer un climat serein. J’observe encore aujourd’hui beaucoup de frilosité», explique Elisabeth Muths, précédemment pasteure, durant quatorze années, de l’église luthérienne de Schweighouse-sur-Moder. Pas question d’ignorer ce passé tumultueux, mais pas question non plus de tout bousculer. Autant éviter les conflits.
Le mobilier n’est pas un combat essentiel
« Mon objectif consiste à vivre l’œcuménisme sans faire de vague », précise cette dernière. Ce qui signifie s’accommoder, au sein de l’église, de la présence de deux autels, l’un pour les catholiques, l’autre pour les protestants ou bien encore de la statue de Saint-Jacques le Majeur, de Saint-Joseph et Marie, du crucifix, d’un chemin de croix, d’un confessionnal, du tabernacle, de la lumière rouge du saint sacrement, du banc de communion qui sépare la nef du chœur, d’étendards ou bien encore de cierges de dévotion. « Le mobilier n’est pas un combat essentiel ! Car la croyance est avant tout une histoire personnelle entre Dieu et nous. Je travaille sur le vivre ensemble. Sur le plaisir de se rencontrer et de découvrir que nous sommes beaucoup plus proches qu’on ne le pense», rappelle à juste titre Elisabeth Muths.
La paroisse de Dettwiller, à laquelle est rattaché le temple de la ville de Melsheim située à 6 km, compte un potentiel d’environ 500 familles. Cependant, peu d’enfants suivent le catéchisme. Et les adultes ne se bousculent guère au culte dominical de 10h45 qui se déroule juste après la messe de 9h30. Et la pasteure de poursuivre, « Dettwiller est un village ouvrier, anciennement réputé pour son industrie de la chaussure. La pratique religieuse n’y est guère intégrée. Je fais donc beaucoup de visites, les habitants sont ravis mais de là à venir au culte ! »
Un cliché peut en cacher un autre
Notre pasteure Elisabeth Muths entend donc mettre en confiance les uns et les autres via des activités et des rencontres œcuméniques. Une fois par mois, catholiques et protestants qui le souhaitent se rencontrent dans un lieu, Fidei, pour parler de leurs pratiques respectives et débattre. Sur Marie dans les spiritualités catholique et protestante par exemple. « Un sujet source de nombreux clichés, observe Elisabeth Muths. On craint l’autre en fonction de nos clichés et c’est regrettable. Du reste, peu importe le sujet, il est important que les gens se rencontrent et se parlent.» Sont également régulièrement organisées des cérémonies de prière, voire des vêpres communes avant les grandes fêtes religieuses, temps forts dont on parle encore plusieurs mois après. Pour le mercredi des cendres, cérémonie catholique, le père Tim Dietenbeck, curé de Dettwiller, a même proposé à Elisabeth Muths d’apposer à ses côtés les cendres sur les fronts des paroissiens. En perspective au sein de la paroisse luthérienne, l’organisation de rencontres mensuelles en trois temps, un moment ludique, un culte et un repas partagé. Et la création d’une chorale de jeunes, « je suis musicienne et dirige des chorales depuis mon adolescence », se réjouit à l’avance Elisabeth Muths.
(1) Eglise simultanée, Place de l’Eglise – 67490 Dettwiller. Temple de Melsheim, rue Basse – 67270 Melsheim. 03 88 91 41 16. Les premières fondations de l’église de Dettwiller remontent au Moyen-Age, selon Alfred Kleitz, président du Club Patrimoine de la ville et ancien membre du conseil presbytéral.