En assistant au culte de mon Église hier, j’ai encore une fois été frappé par l’importance des personnes d’origine africaine, malgache et antillaise. Elles devaient représenter les trois quarts de l’assemblée. Il en était de même dans les deux autres Églises de la région parisienne que j’ai fréquentées ces quinze dernières années. L’évolution va vers un renforcement de cette tendance, car parmi les enfants des écoles bibliques et du catéchisme, 90 à 100% d’entre eux étaient d’origine africaine, antillaise et malgache.

À l’heure où l’actualité internationale et artistique évoque la question de l’identité noire, on doit aussi se poser la question dans les Églises. Quelques remarques.

Dans les grandes villes et dans les banlieues, si les noirs n’étaient pas là… de nombreuses Églises ne seraient tout simplement plus viables. Merci à mes frères et sœurs malgaches antillais et africains qui permettent à nos Églises de vivre !

La sociologie religieuse de ces dernières décennies a relevé un changement de tendance. Alors que traditionnellement, la pratique religieuse est plus importante dans les zones rurales que dans les villes, de nos jours c’est l’inverse : la pratique est supérieure dans les villes. Ce renversement de tendance est-il toujours vrai si on retire les personnes d’origine africaine antillaise et malgache qui vivent principalement dans les villes ? J’émets l’hypothèse difficile à vérifier que si on ne considère que les personnes d’origine européenne depuis plusieurs générations, la pratique n’est pas plus élevée en ville que dans les zones rurales.

Dans le Nouveau Testament, l’Évangile est parti de Jérusalem vers le reste de l’Empire romain. À la fin du livre des Actes des Apôtres, ce sont les Églises de la diaspora qui ont organisé une collecte pour soutenir l’Église de Jérusalem. Dans la même veine, un pasteur me disait qu’au dix-neuvième siècle, les Français ont envoyé des missionnaires pour évangéliser l’Afrique, alors que de nos jours ce sont les Africains qui apportent une présence chrétienne dans une France déchristianisée.

Le grand message de la théologie de Paul est le dépassement des identités au nom du verset qui dit : « Il n’y a plus ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme » (Ga 3.28), aujourd’hui il dirait « ni noir ni blanc. » Ce verset devrait placer le défi de l’interculturalité au cœur de la réflexion des responsables d’Églises. Le risque est celui d’une ségrégation à bas bruit avec des Églises locales qui deviennent de plus en plus colorées, et d’autres où les blancs se retrouvent entre eux. On dit qu’aux États-Unis, le moment de la semaine le plus ségrégé est le dimanche matin avec des Églises blanches et des Églises noires. Faisons tout pour qu’il n’en soit pas de même en France !