Porté par l’Idefhi (1) et son service Adoseine, le dispositif offre un accueil inédit dans le paysage de l’aide sociale à l’enfance.

Le groupe, qui travaillait en 2020, à la demande de l’ASE (2), sur la prostitution des mineurs et les conduites à risque, s’est élargi pour y associer les jeunes en ordonnance de placement non exécutée. Le Step a ouvert ses portes en mars 2022, à Rouen, à des mineurs de treize à dix-huit ans en rupture avec leur famille et/ou les institutions. La structure a suscité un enthousiasme unanime des professionnels, désarmés face à des adolescents rétifs à toutes les mesures proposées.

Deux profils de jeunes

« Si on force le placement, c’est contre-productif. Dans les foyers, on ne peut pas offrir une approche suffisamment individuelle, on impose un fonction nement, des règles de vie, alors que ces jeunes sont en échec de placement », explique Anne-Sophie Marie, directrice du service Adoseine. Le Step accueille deux profils : des jeunes opposés au place ment et en errance, dans la rue, avec souvent des conduites addictives, et des jeunes enfermés dans leur chambre, en conflit avec leur famille, victimes de phobie scolaire et sociale, addicts aux écrans. « Ils ont parfois des conduites dictatoriales et leurs parents ne savent plus que faire », compatit Anne-Sophie Marie. Le premier ado accueilli au Step n’était pas sorti de sa chambre depuis un an et demi. Les premiers échanges se font souvent à travers la porte. Quand il y a errance et prostitution, les parents aussi sont très démunis. Le Step est leur ultime espoir. Le dispositif se décline sur trois axes : un accueil de jour, une mission mobile avec des maraudes et un suivi à domicile. La durée de la prise en charge est de six mois, renouvelable une fois.

Un accueil inconditionnel

Les jeunes peuvent tout dire aux éducateurs ou au psychologue, ils sont entendus », indique la directrice d’Adoseine. Cuisine, salle de détente, ordinateurs et points de recharge pour téléphone (parfois la première motivation pour franchir la porte), douches, laverie, et petit espace dédié aux chiens… tout est prévu. Et, si certains ont besoin d’un répit, ils peuvent être hébergés pour une ou plusieurs nuits dans une structure d’Adoseine. Ici, l’accueil est ouvert, inconditionnel, on reçoit le jeune tel qu’il est, sans jamais le juger, on avance à son rythme. Pas de projet personnalisé, ni d’hé bergement imposé, de contraintes horaires, le Step est un point d’ancrage, « un endroit où ils peuvent venir H24, retrouver désir et confiance en eux ». Ces adolescents ont une très faible estime d’eux-mêmes et une grande défiance envers l’adulte ; l’équipe fait un gros travail pour retisser le lien. Il est parfois ténu : Lola (3), suivie depuis six mois, n’accepte de communiquer que par Snapchat. D’autres préfèrent passer mais ne donnent jamais leur numéro de téléphone. Le maître-mot du Step est l’adaptation, au jeune, à son rythme, avec, à la clé, de belles réussites. Parmi la trentaine de jeunes accueillis depuis bientôt deux ans, les deux tiers en errance et les autres reclus au domicile, une bonne moitié est aujourd’hui sur les rails. Une jeune fille qui pratiquait des services sexuels tarifés depuis l’âge de treize ans travaille dans le milieu associatif, plusieurs ont rejoint des parcours de formation.

1 Institut départemental de l’enfance, de la famille et du handicap pour l’insertion. 2 Aide sociale à l’enfance. 3 Le prénom a été modifié.