L’adoption définitive mardi soir de la loi sur l’immigration a beau être une victoire parlementaire pour Emmanuel Macron, il n’empêche qu’elle marque une profonde fracture au sein de sa majorité. Le texte, a été adopté à 349 voix pour et 186 voix contre, sur 573 votants après plus de dix-huit mois de rebondissements, grâce aux votes de la majorité comprenant Renaissance, Horizons et Modem, appuyés par ceux des Républicains et du Rassemblement national.  

Une majorité fracturée 

Malgré les propos de Gérald Darmanin, qui juge que la “majorité a été solide”, les résultats du vote ne montrent pas le même optimisme. Comme l’explique 20 Minutes, sur 170 députés Renaissance, 131 députés ont voté pour, 20 se sont abstenus et 17 ont voté contre, dont le président de la commission des lois Sacha Houlié, les anciens ministres Stéphane Travert et Nadia Hai, et l’ex-président du groupe Gilles Le Gendre. Le Monde le souligne, tout au long de la journée du 19 décembre, lors des négociations menées avec le parti Les Républicains, une gêne s’est installée chez certains cadres de la majorité.  

Un député macroniste sur quatre n’a pas voté pour le texte, causant une fracture au sein de la majorité. La cause : les nombreuses concessions faites à la droite, en position de force au sein de la commission mixte paritaire qui constituait l’étape principale avant le scrutin décisif à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Ainsi, le concept de préférence nationale, défendu depuis toujours par le Rassemblement national a été intégré au sein des articles. En effet, les étrangers en situation régulière qui ne travaillent pas devront prouver qu’ils résident en France depuis cinq ans, sauf à justifier d’au moins trente mois d’activité professionnelle, avant de pouvoir bénéficier de prestations familiales et d’aides personnalisées au logement (APL).  

“Une victoire idéologique” pour le RN 

“Une victoire idéologique” pour Marine Le Pen, qui a indiqué au dernier moment soutenir ce projet de loi. Une surprise pour la majorité, comme Stéphane Séjourné, patron du parti Renaissance, qui refuse d’être “la béquille des LR et du RN”. Face à cette volte-face embarrassante pour le Gouvernement, Gérald Darmanin a annoncé face à l’hémicycle de l’Assemblée nationale que le “texte sera adopté sans les voix du RN.” Il souligne même : “Il n’y aura pas de texte s’il n’y a pas de majorité sans Rassemblement national. »  

Le texte est alors adopté peu avant minuit avec une large majorité, même si une opposition de l’extrême droite lui aurait été fatale. Interviewée ce mercredi 20 décembre sur France Inter au lendemain de l’adoption de la loi, Elisabeth Borne s’est défendue de faire le jeu du Rassemblement national tout en déclarant avoir “le sentiment du devoir accompli”. Si elle a reconnu que certaines mesures votées dans le texte pouvaient être contraires à la Constitution, pas sûr que cela suffise à rassurer la majorité fragilisée.  

Peu après l’adoption de la loi, l’AFP et Le Figaro ont annoncé la démission du ministre de la Santé Aurélien Rousseau. Une information démentie par Elisabeth Borne mercredi matin, mais l’ancien communiste confiait la veille au Monde vouloir quitter le gouvernement si le texte était voté. Il détaillait : “Cela touche aux murs porteurs. Je ne donne de leçons de gauche ou de morale à personne. Je constate cliniquement que ce n’est pas possible pour moi d’expliquer ce texte”. Invité au micro d’Europe 1, le président du groupe Les Républicains au Sénat Bruno Retailleau quant à lui déclarait : “On arrive au bout du chemin du macronisme, la majorité ne tient qu’avec des demi-mesures”, en revendiquant une victoire de la droite.