La genèse de deux courants
L’antagonisme – on peut même parler de haine – remonte à près de 1 400 ans. Tout commence après la mort, en 632, du prophète Mohammed ; le prophète a vu mourir tous ses fils et il a finalement adopté son neveu Ali, le mari de sa fille Fatima ; sa deuxième épouse, Aïsha, n’aura de cesse d’empêcher Ali et sa descendance de prendre le pouvoir. Pour la succession du prophète, deux tendances se font jour, une tendance qu’on pourrait appeler « dynastique », celle d’Ali, qui pense que pour succéder à un homme aussi exceptionnel, il faut que ce soit quelqu’un qui a du sang de Mohammed dans ses veines, et une tendance plus « communautaire », celle d’Aïsha, qui pense que l’unité de ceux qui se recommandent de l’islam prime sur toute autre légitimité. Le clan d’Aïsha l’emporte, les premiers califes sont presque tous des compagnons de Mohammed. La vraie rupture, définitive celle-là, interviendra quand Yazid, fils du 5e calife, fera massacrer Hussein, petit-fils du Prophète, et sa trentaine de partisans, à la bataille de Karbala en Irak en 680. De ce jour, les partisans d’Aïsha et de la tradition coranique (la « Sunna ») seront largement majoritaires, on les appelle les sunnites. Les autres, du parti d’Ali (parti se dit « ch’ia » en arabe) seront appelés chiites, ils se réclament des douze imams qui se sont succédés jusqu’en 940, le dernier étant réputé revenir sur terre à la fin des temps pour sauver l’humanité.
Et les deux partis se détestent toujours.
Les enjeux aujourd’hui
Aujourd’hui, le chiisme, minoritaire, est fortement implanté en Iran et en Irak, avec quelques implantations en Syrie, au Liban et au sud Yémen. Les autres pays du Proche et Moyen-Orient sont sunnites, Arabie, Égypte, Turquie, etc. Les chiites les plus radicaux entretiennent le souvenir douloureux de la mort de Hussein, dans une commémoration dramatique lors de la fête de l’Achoura (début novembre) ; certains des participants se flagellent jusqu’au sang, la lamentation est générale, dirigée contre eux-mêmes (pour n’avoir pas su en son temps défendre le descendant du Prophète) et… contre les sunnites. Dans cet antagonisme violent, l’Iran soutient les conflits en Syrie (en soutenant le régime de Bachar-el-Assad), au sud-Yémen (en croisant le fer avec l’Arabie saoudite sunnite), et dans plusieurs autres conflits plus locaux. Et on ne peut s’empêcher de se poser une question troublante : les attentats du 13 novembre à Paris ont été revendiqués par l’« État islamique » juste au moment d’une visite du Président iranien Rohani, correspondant à un début de normalisation des relations de l’Iran chiite avec le monde occidental ; est-ce vraiment une coïncidence ?