Invité par le quotidien Le Temps, Gilles Kepel a donné mercredi 27 janvier une conférence à la Maison de la Paix à Genève. Dans une salle pleine à craquer, il a livré trois pistes pour faire face au djihadisme.
Son intervention, dense, émaillée d’anecdotes et de traits d’humour, a duré une heure et demie. Parfaitement à l’aise, multipliant les bons mots et les anecdotes, Gilles Kepel a esquissé quelques réflexions face à cette question cruciale: « Comment lutter contre le djihadisme ? »
Sortir du militarisme
Dans un exposé exclusivement centré sur la France, le politologue a commencé par critiquer la réaction militariste de Paris. «Dire guerre, guerre, guerre, en sautant comme un cabri, ça ne résout pas grand-chose», a-t-il affirmé, paraphrasant ainsi une phrase de Charles de Gaulle. Certes, sur la scène extérieure, la France est en guerre. Et sur le territoire national? «Daesh nous dit que oui. Ses adhérents veulent la guerre civile sur une base territoriale confessionnalisée, pour que tous les musulmans se réunissent sous une bannière radicale». Gilles Kepel appelle à sortir de cette vision simpliste : «quand on dit guerre, on pense qu’on a tout dit, mais ce n’est pas le cas».
Le politologue spécialiste de l’islam contemporain et parfait arabisant propose, lui, trois pistes pour affronter le djihadisme sur le long terme: la connaissance, la compréhension du terreau et la prise en compte du défi culturel.
Un travail de renseignement inadéquat
La connaissance, soit « la capacité de comprendre ce qui se passe », est une qualité « quoi qu’en disent les politiques », a-t-il tranché, revenant sur les propos récents du Premier ministre Manuel Valls selon lequel « vouloir comprendre, c’est excuser ». Le savoir doit ainsi permettre de « rendre plus adéquat le travail de la police et des renseignements. Ils ont raté la manche face à la troisième génération de djihadistes », a critiqué Gilles Kepel qui ne s’est pas privé de quelques piques bien senties envers la politique de Paris tout au long de son intervention. […]