Pour la première fois depuis « les trente glorieuses », une maladie cause des morts de masse, arbitrairement – même si, certaines populations sont plus touchées que d’autres. Comment traiter ces décès collectivement ? 

notion de traumatisme collectif s’applique à des populations touchées par la guerre, et a été développée depuis les années 1970. Peut-on parler de traumatisme collectif face aux 174’000 morts (au moins) du Covid-19?

Stéphane Tison: Je pense qu’il est encore un peu tôt pour le savoir. Que cette expérience, dans l’immédiat, constitue une rupture distinguant un avant et un après, oui, cela se dessine dans l’expérience inédite du confinement généralisé. Elle peut individuellement, parce qu’elle renvoie chacun·e à sa propre mort, susciter des troubles pour certaines personnes, en réveillant éventuellement des traumas plus anciens.

Pour parler de traumatisme collectif, il faut que soient réunies plusieurs conditions: qu’une personne ait une expérience d’approche directe et réelle de la mort (pour elle-même, des proches ou par le soin prodigué aux malades qui décèdent). Dès lors, pour qu’il y ait trauma collectif, il faudrait qu’une part notable de la population soit confrontée à cette situation. Cette dimension peut être réelle dans quelques régions plus particulièrement touchées par la pandémie, à Bergame ou à Mulhouse par exemple. Toutefois, et fort heureusement, le deuil n’est pas à ce stade une expérience de masse qui touche l’ensemble d’une […]