Dimanche 17 août 1746. Temple du Bas, Neuchâtel. Grand émoi dans la foule serrée de fidèles qui emplit l’édifice: un prédicateur de 83 ans – et qui prêchait dans la ville depuis six décennies – s’effondre en chaire, frappé d’apoplexie, comme on appelait alors un accident vasculaire cérébral. « Chacun fondait en larmes. Tous auraient donné de leurs jours pour prolonger les siens », raconte un témoin de l’époque. Qui précise qu’un médecin présent parvient à soigner le pasteur et à le transporter chez lui. « Une foule de personnes de tous ordres le suivaient en pleurant », ajoute le récit. Le vieillard tant aimé vivra encore huit mois, désormais invalide. A sa mort, on ensevelira sa dépouille dans ce même Temple du Bas, édifié un demi-siècle plus tôt pour accueillir la nombreuse affluence qu’attiraient déjà les sermons de celui qui était alors encore un jeune ministre.

Soixante et un ans durant, Jean- Frédéric Ostervald aura marqué la ville de son empreinte pastorale et théologique. Figure centrale de l’Eglise réformée neuchâteloise de la première moitié du XVIIIe siècle, ce prédicateur illustre fut surnommé le Grand Ostervald. Son influence lui valut même le titre de « second réformateur de Neuchâtel », après Guillaume Farel.

Catéchisme, liturgie, Bible

Le monde réformé lui doit un héritage durable, que rappelait encore la Feuille d’avis de Neuchâtel, en première page, lors du deuxième centenaire de son décès, en 1947 : « Sa liturgie commande l’ordonnance de nos cultes protestants; le catéchisme qu’il a composé a été mémorisé, non sans peine, par six ou sept générations. Sa version de la Bible obtient encore la préférence de certains lecteurs. Quant au traité qu’il a composé sur les sources de la corruption qui règne aujourd’hui parmi les chrétiens, ce ne serait pas temps perdu que de le relire à notre époque. »

Jean-Frédéric Ostervald, natif de Neuchâtel, devient ministre de la ville en 1686, à 23 ans. Il s’était formé dans des académies ouvertes au rationalisme et aux méthodes – alors nouvelles – d’analyse biblique : il s’engage dès lors à réformer l’Eglise neuchâteloise en inscrivant la foi chrétienne dans l’époque des Lumières. […]