« Dans notre monde la mort est tellement gênante que non seulement on la fait disparaître en faisant comme si elle n’existe pas ou en jouant avec elle, mais qui plus est on a comme projet de faire disparaître les morts », analyse le théologien orthodoxe Bertrand Vergely, dans une chronique publiée par Atlantico. Il réagit à l’émergence d’un nouvelle pratique funéraire consistant à dissoudre le corps du défunt. Une solution considérée comme verte puisque moins énergivore qu’une crémation. « Le lieu dans l’espace qu’est la tombe permet le recueillement », prévient le théologien. « Quand quelqu’un se fait brûler et que ses cendres sont dans une urne dans un casier dans un mur funéraire au milieu d’autres urnes, c’est déjà plus difficile. Avec la dissolution, si celle-ci se généralise, le recueillement va devenir tout bonnement impossible. »
La mort est-elle vraiment en train de devenir un tabou absolu dans notre société ? Dans « Evangile et liberté » de septembre 2015, le sociologue Martin Julien-Costes fait un autre constat : « utilisateur enthousiastes des outils numériques et d’internet, les jeunes s’en emparent volontiers lorsque l’un des leurs décèdes, généralement afin de s’assurer de leur soutien mutuel et de maintenir une continuité dans leur relation avec le défunt, là où prévaut justement un sentiment de rupture. » Le chercheur souligne en particulier l’usage des réseaux sociaux. Utilisée par des amis après un deuil, « le profil Facebook a la même fonction qu’une tombe, mais se situe dans un autre espace. Il individualise la perte à l’intérieur d’un espace collectif partagé, rendant ainsi le deuil public puisqu’il est possible d’y accéder. » […]