En France, dès le premier dimanche de l’Avent, on ne dira plus « Ne nous soumets pas à la tentation », pour la sixième demande du Notre Père, mais « ne nous laisse pas entrer en tentation ». En Suisse romande les évêques catholiques ont repoussé l’entrée en vigueur de cette modification, pour permettre aux protestants de prendre position sur cette nouvelle traduction de la prière commune à tous les chrétiens. Et l’on peut déjà parier que dans notre pays où les activités œcuméniques sont nombreuses, l’importance de garder un texte commun dépassera toutes les considérations linguistiques lors des débats. Pourtant l’on peut se demander : la nouvelle formule est-elle vraiment plus proche du texte biblique grec de Mathieu 6 dont elle est issue ?
Jean-Denis Kraege, pasteur retraité de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) est formel: « Il n’en est rien, le verbe grec traduit par “soumettre” signifie littéralement “porter dans”. Dès lors, il faudrait, si l’on veut changer quoi que ce soit, traduire par “ne nous fais pas entrer dans la tentation” et en aucun cas “ne nous laisse pas”. Le sujet du “porter dans la tentation” est, en effet, Dieu. Or c’est cela qui gêne un peu tout le monde. »
La tentation fait grandir le croyant
Jean-Denis Kraege a publié l’an passé chez Cabedita un ouvrage consacré à cette question et justement titré «Ne nous soumets pas à la tentation». Dans son analyse biblique, le théologien rappelle que « plusieurs textes de la Bible hébraïque font de Dieu l’auteur – direct ou indirect de la tentation. » S’appuyant sur de multiples récits bibliques dont ceux de Job et des tentations de Jésus dans le désert, Jean-Denis Kraege rappelle l’importance biblique de ces tentations qui font grandir le croyant. Ainsi, même si ce « Dieu tentateur » passe mal dans notre culture, « par respect pour le texte grec, il convient justement de maintenir ce scandale ! » […]