Trop souvent, on croit voir dans la récusation de toute tradition le corollaire nécessaire impliqué par l’affirmation de l’autorité de l’Ecriture. Du coup, le protestantisme ne saurait reconnaître nulle légitimité à la tradition, qu’il aurait congédiée une fois pour toutes. Il n’en est rien. Dans la théologie de Luther, la critique de la tradition porte en priorité sur les rites et les pratiques introduits par l’Eglise sans base scripturaire, et déclarés toutefois obligatoires pour le salut. Dans cette perspective, la critique des traditions va de pair avec l’affirmation de la liberté du chrétien. Mais cette liberté est elle-même enracinée dans une tradition: la prédication de l’Evangile. Loin d’inviter à faire l’impasse sur la question de la tradition, la théologie de la Réforme requiert au contraire qu’on s’interroge à nouveaux frais sur ce qu’est une tradition, mais aussi sur le lien entre la question de la tradition et l’affirmation de l’autorité de l’Ecriture.
Dans une perspective anthropologique, la tradition est un phénomène de transmission ressortissant à la mémoire culturelle. Sa fonction consiste à rattacher le présent au passé commémoré en créant un monde symbolique partagé par les membres d’un groupe ou d’une société. […]