C’est une création qui est source d’espoir. L’Institut Curie, à Paris, a mis au point une intelligence artificielle qui pourrait révolutionner la vie de milliers de malades. Le nouvel outil est capable de détecter l’origine de certains cancers de manière très précise, et ce, bien plus vite que les spécialistes humains, résume BFMTV. Sarah Watson, oncologue, est à la fois praticienne et chercheuse à l’Institut Curie. Spécialiste des tumeurs rares, elle travaille notamment sur les “cancers de primitifs inconnus”, dits CPI.

“Les CPI sont des cancers qui se présentent à un stade métastatique, c’est-à-dire qu’il y a des lésions dans différents endroits du corps, mais on ne sait pas d’où ces métastases sont issues”, explique la chercheuse à la chaîne d’information en continu. Elle précise que cette information est primordiale, dans la mesure où les cancers ne sont pas traités de la même façon selon l’endroit du corps d’où ils se déclarent.

6 000 à 7 000 patients

Tant que l’origine du cancer n’est pas connue, le traitement ne peut pas être précis. Il est donc moins efficace. “On traite ces patients avec des protocoles de chimiothérapie pas du tout spécifiques, et qui marchent globalement très mal”, confirme Sarah Watson. Le temps passé à tenter d’identifier la tumeur primitive est du temps qui n’est pas utilisé pour soigner le patient comme il se doit. À compter du diagnostic, les patients atteints d’un CPI ont une espérance de vie inférieure à moins d’un an.

Ces cancers complexes touchent 6 000 à 7 000 patients par an en France. Pour leur venir en aide, Sarah Watson utilise l’intelligence artificielle. L’Institut Curie, en partenariat avec des spécialistes d’autres centres installés en France, a programmé un logiciel pour reconnaître l’origine de cancers à partir des séquences ARN de tumeurs récupérées par biopsie. Pour y parvenir, les spécialistes lui ont fait enregistrer plus de 20 000 échantillons différents ayant une origine connue.

Une durée de survie trois fois plus importante

Puis ils ont soumis à l’IA des échantillons de tumeurs sans préciser leur origine, afin de vérifier que la nouvelle technologie était capable de la trouver. S’est enfin posée la question du rapprochement d’une tumeur de CPI avec un cancer bien identifié. Dans 80 % des cas, sur 50 tests, l’IA a identifié le tissu d’origine. “Avec des scores de prédiction extrêmement élevés”, précise Sarah Watson. “Les patients pour lesquels nous sommes capables d’identifier le tissu d’origine ont une durée de survie triplée par rapport aux autres patients”, chiffre la chercheuse.

L’avancée ne s’arrête pas là. “Une dizaine de patients” souffrant de CPI ont bénéficié d’un traitement adapté à l’origine avancée par l’IA, ajoute-t-elle. Face à ses très bons résultats, l’IA a été intégrée à la prise en charge en routine clinique à l’Institut Curie en cas de CPI, et doit être utilisée dans toute la France dans le cadre d’un plan de séquençage.

L’AI ne remplace pas les médecins

Par ailleurs, la chercheuse estime que ce nouvel outil est encore perfectible. Le fait que, dans 20 % des cas, l’IA n’a pas rendu un diagnostic fiable lui fait dire que soit un outil d’IA n’est capable de reconnaître que ce qu’il a appris à reconnaître, et dans ce cas il faut lui fournir plus de données, soit les échantillons sur lesquels elle travaille sont dégradés ou mal conservés. Elle aimerait également perfectionner son outil en lui apprenant à analyser d’autres données, comme l’ADN. De telles techniques adaptées à d’autres pathologies que les cancers existent déjà.

Et comme elle le répète, derrière l’outil, il y a toujours des experts qui affinent le diagnostic, toujours dans le même souci : mieux soigner. Se voulant rassurante, elle conclut : “Analyser les résultats rendus par l’IA, savoir les expliquer aux patients et prendre une décision thérapeutique, etc. : l’ordinateur ne le fera jamais, ça restera aux mains des médecins.”