Au milieu du XVIe siècle, Neuchâtel, Lausanne ou Genève accueillent de nombreux imprimeurs acquis aux idées de la Réforme venus de France ou d’Italie. Genève en particulier acquiert en quelques années une renommée européenne et mondiale. Avant 1540, pas plus de cinq livres étaient publiés chaque année au bout du lac. En 1544, ce sont 20 titres qui y ont été imprimés et en 1561, on atteint les 75.

Contourner la censure

Pourquoi a-t-on assisté, à Genève plus que dans les autres villes passées à la Réforme, à un pareil boom de l’impression ? « Pour moi, la réponse tient en deux mots », affirme Michel Grandjean, professeur d’histoire à la faculté autonome de théologie de l’université de Genève. « Jean Calvin ! La langue du réformateur a véritablement façonné la langue française. A côté des écrits de Calvin, ceux de Farel passent pour de l’embrouillamini », explique l’historien. La présence du réformateur a donc attiré dans la cité des virtuoses de l’impression tels que Robert Estienne.

La censure existe aussi à Genève. « Tous les ouvrages, y compris ceux de Calvin, sont soumis aux autorités avant de pouvoir être vendus », rappelle Michel Grandjean. « En 1562, par exemple, un libraire a été lourdement amendé pour avoir diffusé des ouvrages de Sébastien Castellion », ancien élève de Calvin qui, par la suite, critiquera lourdement le réformateur notamment en raison de son soutien à la mise à mort de Servet.

« Très vite, les livres imprimés à Genève sont bannis du Royaume de France. Mais les imprimeurs genevois savent comment dif fuser leur production. Beaucoup de livres sont produits sans mention du lieu d’impression, ou avec un faux lieu. Certains ouvrages ont été imprimés avec une mention signif iant imprimé à Cologny. Mais comme c’était en latin, les agents pensaient qu’il s’agissait de Cologne, une ville parfaitement catholique. »

Une économie florissante

A Genève, de nombreuses bibles, des psautiers et des écrits théologiques sont impr imés en nombre. « On comptera plus de 200 imprimeurs actifs dans une ville qui, avec les réfugiés, devait avoisiner les 20’000 habitants à l’époque. 1 % de la population était donc active dans ce domaine », affirme Michel Grandjean. Avec 34 presses, l’impr imer ie est donc à cette époque l’une des trois grandes industries de la ville, avec le textile et l’orfèvrerie.

Michel Grandjean ajoute : « Le chercheur Jean-François Gilmont, à qui l’on doit beaucoup dans la connaissance de l’imprimerie de cette époque, et qui a notamment publié une bibliographie de la production imprimée aux XVe et XVIe siècles à Genève Lausanne et Neuchâtel, a une formule que j’aime beaucoup. Il rappelle que si la Réforme est fille de l’imprimerie, selon un propos de table attribué à Luther ; l’impression est aussi fille de la Réforme. En effet, la multitude des textes que les réformateurs ont fait imprimer a participé à l’essor de cette technique. »

Plus d’articles sur le site de Réformés

Edition Genève du mois de février 2017