1) Des débuts de la Réforme en Alsace-Moselle jusqu’à la Révolution française.
Influencées par les écrits de Luther qui circulent depuis 1517, les premières personnalités associées à la Réforme en Alsace-Moselle furent des prédicateurs au début des années 1520, en particulier à la cathédrale de Strasbourg, Matthieu Zell, à Wissembourg, le dominicain Martin Bucer, futur Réformateur de Strasbourg, à Mulhouse, le prieur des Augustins, Nicolas Prugner et à Metz, le cordelier François Lambert. Cette vague de prédicateurs, soutenus par les magistrats (dont Jacques Sturm fut un exemple brillant) et une partie des populations font qu’à partir de 1524, les principales villes d’Alsace, à savoir, Strasbourg, Mulhouse, Colmar, Munster, Wissembourg, à titre définitif, Haguenau, Obernai et Sélestat, pour quelques dizaines d’années, passent au protestantisme. En 1538, le pédagogue Jean Sturm fonde la Haute École de Strasbourg qui est l’ancêtre de la faculté de théologie protestante.
Notamment en raison de la Guerre des Paysans, les zones rurales sont touchées plus tardivement, à partir de 1545, sous l’action conjointe des prédicateurs et des princes. Et à la fin du XVIe siècle, en application du principe cujus regio, ejus religio, le tiers des villages alsaciens est passé à la Réforme, ce qui signifie que deux-tiers des villages restent catholiques, en particulier autour des principautés ecclésiastiques, des possessions des Habsbourg et de la Maison de Lorraine. Pour ce qui est de la répartition de ces zones rurales entre catholicisme et protestantisme, il est important de noter qu’elles dessinent en Alsace un paysage religieux qui est toujours d’actualité.
Du point de vue de l’organisation, on retiendra que se constituent 48 Eglises territoriales autonomes protestantes, relevant juridiquement du pouvoir civil, régies par des ordonnances ecclésiastiques promulguées par les magistrats ou par les Seigneurs. Cette situation administrative durera jusqu’à la Révolution. Notons enfin que l’Alsace protestante a été une terre d’accueil pour les protestants français persécutés, par exemple à Strasbourg où de 1538 à 1541 la communauté des refugiés francophones eut Calvin comme pasteur, mais aussi à Bischwiller et dans une série de villages abandonnés du comté de Sarrewerden, entre Sarre-Union et Sarrebourg.
Pour ce qui est de la Moselle de la fin du XVIe siècle, on compte une soixantaine de villages protestants, Metz restant une ville catholique, avec toutefois une forte minorité protestante, constituée en Eglise autonome, indépendante de l’autorité civile, sur un modèle calviniste, dirigée par un consistoire composé de pasteurs, de diacres et d’anciens.
Au XVIIe siècle, la guerre de trente ans, l’incorporation de l’Alsace au Royaume de France et les persécutions religieuses de Louis XIV perturbent et compliquent la vie des Eglises protestantes d’Alsace. En 1648, la signature des traités de Westphalie garantit le libre exercice des cultes protestants dans l’Alsace passant sous souveraineté française et en 1681, la capitulation de Strasbourg garantit dans la ville et ses dépendances le maintien des institutions, biens et libertés des luthériens, à l’exception de la cathédrale qui est rendue au culte catholique. Mais à partir de 1680, le pouvoir royal prend une série de mesures anti-protestantes, comme le simultaneum, c’est-à-dire l’obligation faite aux paroisses de céder au culte catholique le chœur et l’usage de la nef de l’église protestante, dès lors qu’il y a sept familles catholiques dans le village. En 1685, Louis XIV révoque l’édit de Nantes. L’Alsace, qui relève des traités de Westphalie, n’est pas concernée par cet édit. Par contre, la Révocation est appliquée à la lettre à Metz et […]