Christian est un père divorcé qui aime consacrer du temps à ses deux enfants. Conservateur apprécié d’un musée d’art contemporain, il fait aussi partie de ces gens qui roulent en voiture électrique et soutiennent les grandes causes humanitaires. Il prépare sa prochaine exposition, intitulée « The Square », autour d’une installation incitant les visiteurs à l’altruisme et leur rappelant leur devoir à l’égard de leurs prochains. Mais il est parfois difficile de vivre en accord avec ses valeurs : quand Christian se fait voler son téléphone portable, sa réaction ne l’honore guère… Au même moment, l’agence de communication du musée lance une campagne surprenante pour The Square : l’accueil est totalement inattendu et plonge Christian dans une crise existentielle.
The Square est un film où l’ascenseur émotionnel fonctionne à merveille. On rit beaucoup, surtout dans toute la première moitié de l’histoire. Du rire généralement de situations, souvent grotesques, faites aussi de non dits qui parlent vrai, qui nous laissent comprendre des choses sans forcément avoir besoin de les prononcer. Et puis c’est le silence qui s’installe dans la salle obscure… silence profond face à un homme qui sombre dans une forme de chaos symbolisé admirablement dans cette scène où il se retrouve sous une pluie battante sur des poubelles qu’il éventre laissant les déchets et autres détritus se rependre autour de lui, dans l’espoir de retrouver quelques mots sur une feuille de papier. Et les sourires reviennent mais la tension monte encore avec cette scène ubuesque de réception où cet artiste entre dans la peau d’un homme préhistorique sans sembler pouvoir en sortir effrayant l’une ou l’autre et développant un malaise qui se répand jusque dans nos rangs, et provoquant la colère et la violence.
Des sentiments qui s’extériorisent quitte à en perdre même ses valeurs premières, son intégrité. C’est finalement l’un des enjeux intenses que révèle le scénario. Comment ce qui semble construire l’humain et une société sereine et bienveillante peut exploser facilement provoquant toutes sortes de réactions en chaine ?… mensonge, agressions, cris, stigmatisation, coups… pertes de repères pour laisser la liberté s’exprimer mais juste pour faire le buzz… une critique finalement assez acerbe d’une société lissée et bien-pensante mais pourtant fragile et prête à exploser comme une enfant mendiante dans un carré.
Et puis il y a l’art au cœur de l’histoire. Contemporain qui plus est, avec tout ce qui peut sembler de non sens ou d’arnaque… Ce « grand n’importe quoi » qui peut malgré tout émouvoir, surprendre, interpeller. Que l’on cherche à tout prix à expliquer alors que justement il n’y a pas forcément à comprendre mais juste se laisser toucher.
Des sujets qui forcément irritent naturellement certains journalistes qui n’aiment pas trop que le cinéma nous fasse réfléchir sur nos écueils et nos faiblesses. Un film qui de toute façon ne laisse pas indifférent et provoquera des clivages d’opinion. Il y a sans doute duToni Erdmann dans The Square qui pour les uns méritera une palme et pour d’autre même pas la moindre étoile… De mon côté, je n’hésite pas. J’ai beaucoup aimé et j’espère qu’il vous séduira vous aussi et nous donnera à tous de réfléchir sur nous-même.