Les recherches menées sur les superstitions sont fortement connotées. L’historien Yann Dahhaoui s’est passionné pour cette question qui n’a pas encore livré tous ses mystères.

Mais d’où vient la crainte du vendredi 13 ? Difficile de répondre à cette question sans être influencé par notre culture et nos préjugés, selon Yann Dahhaoui premier assistant à l’Institut d’histoire et anthropologie des religions à l’Université de Lausanne qui a approfondi la question des superstitions. « Il est difficile de prouver qu’un lien existe entre une superstition et une autre. En cherchant à remonter vers les origines d’une tradition, on risque de créer des liens qui n’existent pas, mais qui satisfont le besoin que nous avons d’établir une généalogie entre les croyances. »

L’usage de la notion même n’est pas neutre: « on a fixé une frontière un peu violente entre les croyances et comportements légitimes, d’un côté, et les superstitions, illégitimes, de l’autre. Parler de “superstition”, c’est déjà poser un jugement moral », souligne l’historien. Le contenu de cette notion dépend grandement du locuteur : l’Église médiévale qualifiait de superstition les croyances païennes, les réformateurs les pratiques des croyants restés fidèles à Rome. Au XVIIe siècle, la superstition ne s’oppose plus à la religion, mais à la raison. « La grille d’analyse des superstitions établie par les moralistes à la fin du XVIIe siècle a été reprise par les folkloristes au XIXe siècle. La superstition est devenue un objet d’étude académique sans que la notion ne se soit jamais entièrement dissociée du discours moral », note Yann Dahhaoui. […]