Gabriel Vahanian est né à Marseille, d’une famille d’immigrés arméniens. Sa scolarité se déroule à Marseille, à Valence où il passe son bac en 1945, puis à Paris pour trois années d’études de théologie. Sa vie bascule lorsqu’il décroche une bourse pour une année d’études à la Faculté de théologie de Princeton, près de New York. Il y obtient sa maîtrise et l’autorisation de poursuivre en doctorat, qu’il soutient en 1958 tout en étant chargé de cours. Sa carrière universitaire se poursuit à l’Université de Syracuse, de 1958 à 1984. Puis, il est nommé professeur d’éthique à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg, jusqu’à sa retraite en 1995.
Gabriel Vahanian restera dans l’histoire de la théologie comme l’auteur en 1961 d’un ouvrage qui allait avoir un retentissement mondial. The Death of God (La Mort de Dieu, publiée en France en 1962), au titre provocateur, est une puissante critique de la religion telle qu’elle était vécue dans la société américaine des années cinquante. Vahanian y montre que le Dieu omniprésent aux États-Unis est très éloigné du Dieu de la Bible. Malgré son titre, il s’agit d’un livre classiquement protestant, dans la lignée de la théologie de Karl Barth, en ce qu’il combat les idoles, les faux dieux pour faire place au Dieu de Jésus-Christ. Karl Barth ne réagira pas à La Mort de Dieu, contrairement à un autre « géant » de la théologie de langue allemande, Rudolf Bultmann, qui exprimera son enthousiasme dans une lettre qui trouvera place dans l’édition allemande de l’ouvrage, Kultur ohne Gott (1973). Durant sa période américaine, Gabriel Vahanian multipliera les conférences, devenant, au gré des traductions, le théologien français le plus connu dans le monde, à l’exception de son pays d’origine, où son influence restera toujours limitée.
Par la suite, Gabriel Vahanian orientera ses recherches théologiques sur le thème de la technique, une problématique qui est également au centre de l’oeuvre de Jacques Ellul. Mais autant ce dernier propose une vision pessimiste, très critique, de ce qu’il appelle le « système technicien », autant Vahanian voit les choses de manière plus optimiste : en s’appuyant sur le concept d’utopie, il pointe les affinités mutuelles qui unissent la foi chrétienne et la technique. Il s’agit, pour le chrétien soucieux de rester fidèle à la tradition biblique, de changer le monde (ici et maintenant) bien plus que de changer de monde (dans l’au-delà). La théologie de Gabriel Vahanian met l’accent sur le Dieu qui règne plus que sur le Dieu qui sauve. Cette thématique est développée dans son maître-ouvrage Dieu et l’utopie, l’Église et la technique, paru en 1977.
Théologien virtuose, souvent accusé d’être hermétique (toute son oeuvre peut se lire comme un grand poème en prose), il publie en 1989 le très recommandable Dieu anonyme, présentation accessible des grands thèmes de sa pensée, comprenant une confession de foi trinitaire, magnifique synthèse de sa théologie et de son style.